en hommage à Françoise Ploquin

Rayonnante Françoise

Posté le par le français dans le monde

In memoriam, un article écrit par Jacques Pécheur et Denis Bertrand, 24 octobre 2024
C’est avec une très profonde tristesse que nous venons d’apprendre le décès soudain de Françoise Ploquin. Et la nouvelle, à peine diffusée, chacun, chacune de rappeler pêle-mêle « sa bonne humeur, son rire, sa joie de vivre et aussi son enthousiasme, son dynamisme, sa générosité », elle qui passait sans transition d’une discussion sur la littérature à celle sur une partie de rugby ! »

C’était une promesse que nous nous étions faite le 23 août, « une petite bouffe de rentrée en septembre ou octobre »… et dans son SMS elle ajoutait, après réflexion, « plutôt octobre… Après l’Auvergne, Menton, Carpentras, je suis actuellement à Chamonix et je pars ensuite randonner dans le Val d’Aoste… »… « Cette petite bouffe » comme on dit,  que l’on s’était promise n’aura finalement jamais lieu. Nous avons appris ce mercredi 23 octobre après-midi, veille de bouclage du présent numéro, que Françoise Ploquin était décédée mardi 22 octobre, soudainement, après une promenade dont elle n’est jamais revenue…

au service de la revue, Françoise Ploquin

Toujours au service de la revue, Françoise Ploquin

Eh oui, Françoise était une grande marcheuse qui avait escaladé de nombreux sommets comme elle avait traversé de nombreux déserts…Toujours en mouvement. Toujours en mouvement comme elle l’a été au cours de ces années où nous avons partagé pendant 14 ans l’aventure de la revue du français dans le monde, avant qu’elle n’en assume seule pendant une dizaine d’années la pleine et entière responsabilité. Un quart de siècle à faire rayonner la langue française et au service  de son enseignement et  de la formation des professeurs.

Un quart de siècle, mois après mois,  à remettre sur le métier, numéro après numéro, Le français dans le monde et ses fiches pédagogiques que  la prof imaginative et créative qu’elle avait été, relisait et reprenait toujours attentive et en empathie avec les professeurs  qui allaient ensuite les utiliser ; Diagonales devenu Francophonie du Sud aujourd’hui  Francophonie du monde, sur lequel veillait tout particulièrement Françoise comme elle veillait sur cette francophonie qu’elle chérissait et à la rencontre de laquelle elle allait volontiers ; Recherches et Applications dont elle coordonna avec Denis Bertrand, un numéro qui fait encore référence avec ses signatures prestigieuses,  Littérature : la perspective du lecteur.

Et puis il y a eu toutes ces folles aventures à travers lesquelles Françoise, solidaire, entendait que l’on se tienne toujours à côté, au service des professeurs dès que les circonstances le réclamaient :  ce furent d’illustre mémoire le kit « Révolution française » dont les affiches encadrées ornent encore les murs de certaines Alliances, ou encore le premier kit chanson CD Nouvelle Génération française… qui aujourd’hui chante encore dans nos têtes. Ou encore cet investissement dans l’APIC – Association pour l’Inter-Compréhension dans les familles de langues qu’elle a pendant plusieurs années animée et présidée. A la suite de Claire Blanche Benveniste qui avait conçu et élaboré les premières méthodes, elle a cherché à les mettre en œuvre concrètement et à faire vivre cette compréhension réciproque fluidifiée, son idéal.

Chacune, chacun reconnaîtra ici son professionnalisme exigeant, son inépuisable énergie, sa bonne humeur irradiante, sa disponibilité sans limites… Chacun, chacune se souviendra aussi de sa particulière bienveillance, de son attention aux autres, de sa générosité à accueillir et à rassembler, aujourd’hui volontaire, donnant de son temps pour accompagner des primo-arrivants en mal de maîtrise du français. Toujours le rayonnement de notre langue. La veille de cette marche ultime et fatale, elle donnait encore cours à des migrants dans l’association « Français langue d’accueil » où elle exerçait sa passion pédagogique plusieurs heures par semaine. Et le soir, elle se rendait à « La Bagagerie », près du Châtelet où, avec d’autres ADF (« Avec Domicile Fixe ») elle accueillait les SDF venus déposer leurs affaires le matin et les reprendre le soir pour s’y envelopper la nuit, sur les trottoirs. Au plus près de la dureté de vivre, elle était la protectrice des « sans » : sans papiers, sans domicile, sans famille, sans patrie…

Avec le regard éloigné d’une grande dame sur le cours du monde, avec un pessimisme raisonné et une joie contagieuse, cette passionnée de la nature qu’elle voyait s’abîmer avec angoisse plongeait ses mains dans la pâte humaine qu’elle contribuait à façonner avec amour et modestie, au plus près des personnes.

Françoise, grande et lumineuse lectrice, était donc aussi toujours en mouvement… Il fallait tout concilier… combiner les emplois du temps les plus surchargés en offrant une présence immédiate, entière et sans calcul. Françoise restera cette boule de dynamisme, passant d’une partie de tennis à une séance de cinéma, d’une soirée au théâtre ou à l’opéra à la vision d’un match au choix de rugby, de foot ou de tennis, boulimique autant de livres que d’aventures aussi incertaines que lointaines, boulimique d’humanité en-deçà de toute croyance, ou par-delà.

« Rayonnante, Françoise était le rayonnement de la langue française, et sa joie. Elle est ce matin notre peine. »

Jacques Pécheur et Denis Bertrand

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