Joseph Dunn, La Louisiane en français
« Parler français permet de mieux comprendre la Louisiane et son histoire »
À chaque numéro, le témoignage d’une personnalité marquante de l’émission Destination Francophonie de TV5MONDE présentée par Ivan Kabacoff. Aujourd’hui, Joseph Dunn, fervent défenseur de la langue française en Louisiane.
« Je suis né le 28 mars 1971 dans le village de Greensburg (paroisse de Saint-Hélène), en Louisiane. Mes propres ancêtres louisianais avaient cessé de parler français deux générations avant ma naissance, mais mes grands-parents avaient des amis cadiens – attention, je tiens au terme « cadien » et non pas « cajun », qui est un anglicisme qu’on n’utilise pas du tout en Louisiane. Ces amis cadiens travaillaient dans le même secteur que mes grands-parents, ils avaient une ferme laitière, et je les voyais régulièrement lorsque j’étais petit. Or, la grand-mère de cette famille était monolingue francophone : j’ai donc été naturellement exposé au français par son biais. Vers mes 9 ans, des professeurs de français ont été envoyés par le CODOFIL (l’agence de l’État de la Louisiane pour la promotion du français) dans ma région et j’ai commencé à étudier cette langue, environ, 30 minutes 3 fois par semaine. C’était peu, mais cela a suffi. Le français m’habitait déjà, il fallait juste trouver la clé pour que la machine soit lancée !
Développer le français à tout prix
J’ai suivi un cursus généraliste à l’université de Louisiane, puis de la Nouvelle Orléans, avec un focus sur la danse classique : je voulais être danseur classique, mais je me suis blessé au genou. C’est donc finalement le français qui a orienté toute ma carrière. Depuis presque 30 ans, j’ai pu travailler au plus haut niveau du secteur culturel et touristique en Louisiane, aux relations internationales auprès du lieutenant-gouverneur de État, au consulat général de France à la Nouvelle Orléans; j’ai occupé le poste de directeur exécutif du Conseil pour le développement du français en Louisiane (CODOFIL), fait partie de la délégation louisianaise au sommet de la francophonie en 2008 à Québec ou encore participé à rédaction du dossier d’adhésion de la Louisiane auprès de l’OIF (Organisation internationale de la francophonie). Et je suis aujourd’hui directeur des relations publiques et du marketing dans une ancienne plantation de canne à sucre appelée Laura Plantation. C’est l’une des dernières plantations créoles de Louisiane. 30 % de nos visiteurs viennent de l’international et parmi eux, il y a 25% de francophones (Français, Québécois, Belges, Suisses, Antillais…).
Mon parcours professionnel et personnel n’aurait pas été le même sans la langue française. Je suis assez connu dans le monde du tourisme en Louisiane comme celui qui parle le français, défend cette langue et veut à tout prix la développer. C’est assez atypique, car nous ne sommes pas nombreux à travailler dans le tourisme en langue française. Si parler français m’a offert de nombreuses opportunités, cela me permet aussi de mieux comprendre la Louisiane, qui était d’abord une colonie française. L’histoire de notre région, qui est une mosaïque de populations de langue française et créole, s’est déjà écrite dans ces langues. Le français représente pour moi cette ouverture, ce potentiel de développement social, professionnel, économique, et me lie vraiment à cette terre Louisianaise où ma famille habite depuis plus de 300 ans.
Actuellement, on estime qu’environ 100 000 personnes en Louisiane seraient capables de mener une conversation en français. Mon objectif est de continuer à soutenir les différents efforts des Louisianais qui s’intéressent à la francophonie et de leur prêter main forte pour que leurs actions aboutissent. Je crois vraiment qu’il faut travailler ensemble pour que la langue française et la langue créole continuent d’être parlées en Louisiane. C’est ce qui m’anime et me fait me lever chaque matin. »
Site de la plantation Laura : www.lauraplantation.com
Propos recueillis par Sarah Nuyten