« La francophonie est présente dans plusieurs de mes films »
À chaque numéro, le témoignage d’une personnalité marquante de l’émission de TV5Monde présentée par Ivan Kabacoff. Aujourd’hui, Laura Amelia Guzmán, réalisatrice et productrice de République dominicaine. Une rubrique « Étonnants francophones » à retrouver dans le numéro 451 (mars-avril 2024) du Français dans le monde.
« J’ai grandi à Santo Domingo où j’ai fait toute ma scolarité au Lycée français de Saint-Domingue (jusqu’en 1998). Tous les cours étaient en français mais à la recrée on parlait espagnol, comme à la maison. Mes parents travaillaient dans le milieu artistique, entre l’architecture, le cinéma et une galerie d’art, donc j’ai grandi entre artistes locaux, et souvent étrangers, parmi lesquels le français était souvent présent. J’ai visité la France pour la première à l’âge de 17 ans, en mode routard, avec des camarades de classe.
J’ai aussi fait un an d’études en Italie, en Histoire de l’art et en photographie. En rentrant, j’ai fait les Beaux-Arts. Et finalement j’ai décidé de suivre le chemin de mes parents et mes oncles et entrepris des études de cinéma. Mais à l’époque il n’y avait pas d’école ni d’industrie de cinéma dans notre pays, donc je suis allée à Cuba, où il y a depuis 1986 une école internationale de cinéma très respectée.
C’est là qu’à 24 ans j’ai rencontré mon compagnon de route et nous sommes partis vivre dans son pays, le Mexique. Là-bas, nous avons tourné ensemble notre premier film, Cochochi, primé à la Mostra de Venise, suivi de Jean Gentil, notre premier film tourné en République dominicaine en 2009. À cette époque, peut-être cinq films se tournaient par an ici. Aujourd’hui, c’est soixante. Grâce à la diversité des genres et des sujets traités, l’industrie cinématographique dominicaine, qui se développe chaque année, s’est fait un nom sur la scène internationale ces dernières années, en particulier aux États-Unis où ils ont dépassé le cadre de festivals de cinéma pour atteindre un public plus large.
« Grâce à la diversité des genres et des sujets traités, l’industrie cinématographique dominicaine, qui se développe chaque année, s’est fait un nom sur la scène internationale »
Alors que la République dominicaine partage une frontière avec un pays francophone, Haïti, l’aspect qui nous permet le moins de communiquer c’est la langue. Mais ma base francophone m’a ouvert plusieurs portes quand j’ai voulu m’approcher du peuple voisin, notamment pour apprendre à parler créole, ce que je trouve extrêmement important. La francophonie est présente dans plusieurs de mes films : Jean Gentil, c’est un professeur haïtien qui enseigne le français à une fille dominicaine.
Mon quatrième film, Les Dollars des sables, est une adaptation du roman éponyme du romancier français Jean-Noël Pancrazi (Gallimard, 2006), tourné en partie en français dans le village de Las Terrenas, où une grande communauté francophone est établie. Dans ce film, Anne (Geraldine Chaplin), une veille Française, tombe amoureuse d’une jeune Dominicaine. Et finalement dans un film plus récent La Fiera y La Fiesta, une diva punk vieillissante, Vera (encore Geraldine Chaplin), arrive à Saint-Domingue pour réaliser un film musical. Elle est accueillie par le producteur et le directeur de la photographie, avec qui elle a passé les années dorées de sa jeunesse. Bientôt des forces mystérieuses et dangereuses menacent le tournage. C’est un hommage au réalisateur dominicain Jean-Louis Jorge, auteur de Mélodrame, tourné à Paris en 1975, seul film réalisé par un Dominicain présenté au Festival de Cannes.
« Ma base francophone m’a ouvert plusieurs portes quand j’ai voulu m’approcher du peuple voisin, notamment pour apprendre à parler créole, ce que je trouve extrêmement important »
Depuis quelques années la plupart des films que j’ai faits, comme réalisatrice ou productrice, ont été tournés en plateau dans les studios Pinewood, à 45 minutes de Santo Domingo. C’est un vrai luxe de compter avec des installations pareilles où beaucoup de productions internationales se tournent chaque année. Tourner des films dans mon pays est devenu très intéressant grâce à notre grande variété de paysages, une infrastructure importante, un personnel de tournage spécialisé, et des incitations cinématographiques attrayantes. »
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