« La francophonie est présente dans plusieurs de mes films »
À chaque numéro, le témoignage d’une personnalité marquante de l’émission de TV5Monde présentée par Ivan Kabacoff. Aujourd’hui, Perpétue Miganda, autrice et fondatrice de l’héritage éco-culturel de Karambi, à Mwaro (Burundi). Une rubrique « Étonnants francophones » à retrouver dans le numéro 449 (novembre-décembre 2023) du Français dans le monde.
« Je suis née à Rurtyazo, au milieu des collines de la province de Mwaro, à une soixantaine de kilomètres de Bujumbura. J’ai appris à lire très tôt et mon amour pour la lecture n’a fait que grandir au fil des ans. Durant toute ma scolarité, l’amour de l’écriture et celui des livres ne m’a pas quittée. « Tu as une telle passion pour les livres que tu finiras bien par en écrire un !», me disait une amie du lycée. Des années ont passé, j’ai obtenu un diplôme en Psychologie et une licence en Sciences de l’Education à l’Université du Burundi puis j’ai bâti un foyer.
Un jour, j’ai voulu écrire un livre sur tous les séminaires que l’équipe technique dont je faisais partie avait préparés et auxquels j’avais participé aux quatre coins du pays dans le cadre du processus de réconciliation nationale entamé en 1998 et des accords de paix pour lesquels j’étais conseillère, mais je finis par abandonner ce projet car, en 2001, j’ai accompagné mon époux qui venait d’obtenir un poste en dehors du Burundi.
« Durant toute ma scolarité, l’amour de l’écriture et celui des livres ne m’a pas quittée. “Tu as une telle passion pour les livres que tu finiras bien par en écrire un !”, me disait une amie du lycée »
Trois ans plus tard, j’ai senti que j’avais besoin de retourner sur ma colline natale pour rendre visite à mes parents âgés. Je voulais aussi leur demander de me raconter leurs souvenirs. J’ai demandé à ma mère quelles étaient les manières de vivre quand elle était jeune, et elle m’a répondu d’un ton de regret : « Il y avait beaucoup d’amour, de solidarité. Les gens s’entraidaient, se respectaient, célébraient la vie ensemble. Aujourd’hui, les choses ont beaucoup changé. » Je ne le savais pas encore, mais je venais de découvrir ce qui allait être le cœur de mon livre, Trésors du Burundi ancestral. Dix ans plus tard, en 2014, j’ai fait des entretiens avec les membres de ma famille, avec des amis, des personnes âgées, des professeurs… sur l’art de vivre dans le Burundi ancestral. Je voulais mettre en relief tout ce qui constituait l’harmonie sociale dont me parlaient mes parents, comment les Burundais les avaient développés, construits.
Après ce livre, j’ai voulu aller plus loin en créant un lieu où faire revivre les piliers du Burundi ancien et restaurer des traditions oubliées. C’est ainsi que j’ai fondé l’héritage éco-culturel de Karambi, dans mon village natal. Avant, tout se tenait au cœur même de la vie quotidienne : l’éducation, la santé, la spiritualité. Avec des célébrations, où tout le monde prie ensemble, fêter les naissances, les unions… Avant aussi, l’éducation familiale était sévère. Il y avait des règles de vie fortes, avec un respect des ainés. Les métiers s’apprenaient très tôt, dès 5 ans, chez les agriculteurs comme chez les éleveurs. L’enfant était mis très tôt face au sens des responsabilités. L’intégrité, le respect de toute vie revêtait une importance capitale.
« J’ai voulu créer un lieu qui permette de se reconnecter et surtout de transmettre, car mon projet est un projet culturel mais aussi éducatif. Il donne une autre idée de comment on a grandi ici, au Burundi »
Autre aspect : la culture de plantes médicinales. Euphorbe, dragonnier, érythrine, plus de dix sortes formaient le rugo, c’est-à-dire l’enclos, l’habitat traditionnel. J’ai essayé de recréer un lieu avec tout son environnement mais aussi un style de vie. On continue de faire des recherches sur l’utilisation des objets dans le Burundi ancien, l’usage des pots à la place du plastique par exemple. A l’avenir, nous voudrions célébrer des traditions comme la coupe du sorgho, une céréale de grande importance aussi bien dans la vie quotidienne que lors des rites nationaux (umuganuro) du Burundi ancien. Actuellement, nous sommes en train de bâtir des lodges pour que les gens de passage puissent rester. Transformer le lieu en un centre de bien-être, de ressourcement. Un lieu qui permette de se reconnecter et surtout de transmettre, car mon projet est un projet culturel mais aussi éducatif. Il donne une autre idée de comment on a grandi ici, au Burundi. »
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