« Je montre des images positives de Gaza »

Posté le par le français dans le monde

À chaque numéro, le témoignage d’une personnalité marquante de l’émission de TV5Monde présentée par Ivan Kabacoff. Aujourd’hui, Iyad Alasttal, réalisateur palestinien. Une rubrique « Étonnants francophones » à retrouver dans le numéro 445 (mars-avril 2023) du Français dans le monde.

Bandeau DF


«Quand j’ai commencé à apprendre le français, à 19 ans, je n’avais aucune connaissance de cette langue. Les débuts n’ont pas été faciles, car cette langue est peu enseignée et pratiquée à Gaza, la Palestine étant un pays plus tourné vers l’anglais. Dès le premier jour à l’université, mes professeurs, les assistants et les étudiants les plus anciens ne parlaient qu’en français. Parler en arabe était un péché. C’était un vrai défi et une compétition avec mes camarades pour arriver à maîtriser cette langue.

En 2011, j’ai eu la chance d’avoir une bourse d’une association solidaire corse, « Corsica Palestina », pour faire des études de cinéma à l’IUT de Corte. J’avais alors 24 ans, c’était la première fois de ma vie que j’allais prendre l’avion et vivre loin des miens, pour étudier un nouveau domaine, le cinéma, avec mon français fragile. Cela a été très difficile pour moi de vivre loin de mon pays occupé ; est-ce toujours ainsi pour les personnes privées de la liberté ? Mais c’était pour moi une responsabilité envers ceux qui m’avaient donné cette opportunité et bien que mon corps fût en France et mon esprit toujours à Gaza, j’ai réussi.

« Dès le premier jour à l’université, mes professeurs, les assistants et les étudiants les plus anciens ne parlaient qu’en français. Parler en arabe était un péché. C’était un vrai défi et une compétition avec mes camarades pour arriver à maîtriser cette langue »

Lors de Destination Palestine.

Mon niveau de français s’est amélioré en même temps que je progressais dans mes études de cinéma. J’ai réalisé un premier documentaire, et trois autres ensuite.  Il y a peu d’images positives sur la Bande de Gaza. Les films que j’ai réalisés montrent les talents de Gaza, le rôle et la place de la femme, la résilience du peuple palestinien… Ils ont eu du succès, ils ont été qualifiés pour participer à une dizaine de festivals et ont remportés des prix internationaux. Grâce à mes documentaires, beaucoup de sympathisants de la cause palestinienne m’ont nommé « Iyad, le messager de Gaza ». Ce titre m’a motivé et poussé à lancer une série web doc hebdomadaire en français : Gaza Stories, dont l’objectif est de montrer Gaza autrement, loin de la mort et des destructions (ma chaîne YouTube : www.youtube.com/gazastories).

Grâce à mes productions audiovisuelles et la maîtrise de la langue française, je suis devenu en quelque sorte un référent pour différentes organisations en France, associations de solidarité avec le peuple palestinien, associations culturelles et sportives, et aussi pour des sociétés de production dans les pays francophones. Je suis sorti de Gaza à plusieurs reprises pour accompagner des délégations palestiniennes sur des tournées en France que j’ai initiées avec des partenaires français : tournée de footballeurs ou cyclistes amputés, de représentants d’associations, de parents de victimes palestiniennes, et en juin prochain tournée d’une troupe de dabkeh (danse du Levant) de Gaza.

« Grâce à mes productions audiovisuelles et la maîtrise de la langue française, je suis devenu en quelque sorte un référent pour différentes organisations en France et je suis sorti de Gaza à plusieurs reprises pour accompagner des délégations palestiniennes sur des tournées en France »

Je participe à des débats avec les publics francophones et j’interviens dans les médias pour témoigner de la situation et de la vie quotidienne en Palestine. Les langues étrangères pour nous les Palestiniens, et le français en particulier pour moi, sont les armes que nous utilisons pour faire connaître notre malheur et notre souffrance produits par l’occupation israélienne. Après plusieurs années d’efforts et de réussites dans la production de films, j’ai pu établir des liens avec des journalistes, réalisateurs, artistes francophones venant à Gaza pour des courtes missions, et travailler comme fixeur. Toutes ses expériences m’ont enrichi et me rendent fier. En ayant associé la langue française avec l’audiovisuel, je me rends compte étonnamment que l’impossible est possible même dans les pires circonstances. »

 

Retrouvez IYAD sur Destination Palestine et Destination Francophonie

Lors d’une émission pour la TV Al-Arab.

 

Aucun commentaire

Laisser un commentaire