Le français, une chance pour l’emploi dans le monde
La maîtrise des langues comme clé d’entrée dans le monde professionnel ? La place occupée par les formations diplômantes de français à visée professionnelle semble témoigner de ce fort vecteur d’employabilité, un mouvement de fond perceptible aussi dans le monde universitaire francophone.
Première condition de réussite en matière d’emploi en français : le diplôme ! Créé dès 1958 par la CCI-IDF (Chambre de commerce et d’industrie d’Île-de-France), le diplôme de français professionnel (DFP) est aujourd’hui reconnu dans de nombreux pays. Cette approche FOS (français sur objectifs spécifiques) se déploie aussi à grande échelle dans les universités, écoles du supérieur, centres de langues ou au sein des Alliances françaises, Instituts français et autres institutions. À ce jour, quatre catégories de diplômes professionnels existent (de niveau A1 à C1) : affaires, tourisme-hôtellerie restauration, relations internationales et santé. Le DPF affaires caracole en tête avec 16 766 candidats sur 23 000 entre 2016 et 2021(soit 72 % selon l’édition 2022 de La langue française dans le monde, publiée par Gallimard/OIF). « Essentiellement au niveau B1-B2, précise Alexandre Holle, directeur adjoint du CCIIDF, en charge du développement et de l’innovation pédagogique. Le diplôme santé est le plus récent, nous l’avons lancé en 2020, cela ne se traduit pas encore en termes de candidats mais nous observons un intérêt grandissant pour ce domaine. De nombreuses universités réfléchissent à mettre en place des parcours de français de la santé. Ce sont des départements de langue française qui doivent signer des partenariats avec la faculté de médecine de leur université. »
Tordre le cou aux idées reçues
Plus pragmatique que théorique (quoiqu’elle repose aussi sur une didactique élaborée…), cette façon d’aborder l’enseignement du français répond à des besoins de plus en plus marqués, voire à la nécessité de former des adultes migrants à un français professionnel adapté à la demande dans les métiers en tension (bâtiment, service à la personne ou restauration par exemple). Ainsi, la CCI-IDF propose, depuis 2014, un parcours diplômant de « français operandi » qui permet en France et/ou dans des pays francophones de développer des compétences en communication orale et écrite en français directement « applicables » en entreprise, puisque les programmes de formation sont construits « à la carte », par exemple une formation pour les métiers de l’accueil à la CCI Côte d’Ivoire. « Pour favoriser l’emploi grâce à la pratique du français, il y a des idées reçues auxquelles il faut tordre le cou, souligne Alexandre Holle. D’abord, le niveau B1-B2 n’est pas nécessairement requis ! Dans le tourisme et l’hôtellerie, un niveau A2 suffit, cela permet par exemple d’être réceptionniste. Le temps est révolu où l’on pensait qu’il fallait faire du FLE pendant 600 heures pour aborder le français professionnel ! » Acteur historique de la promotion du français professionnel (selon sa propre définition), la CCI-IDF intervient à plusieurs niveaux : stratégie de développement (pour le réseau des Alliances françaises notamment), formation de formateurs (à travers différents dispositifs dont le diplôme DDIFOS adossé à IFos, la plateforme de formation à distance de l’Institut français) et élaboration et suivi de tests et diplômes d’évaluation du niveau de français. Un positionnement qui permet d’observer l’évolution de la place du français dans l’entreprise dans une perspective internationale. « Aux États-Unis par exemple, le français est la troisième langue la plus recherchée par les employeurs, remarque le directeur adjoint du CCI-IDF. Je le teste sur place en effectuant une recherche d’offres d’emploi en ligne (via Monster), c’est impressionnant ! À chaque fois sortent, selon les États, de 80 à 150 offres où parler français est soit un prérequis soit un plus. Et cela, dans tous les secteurs. »
Un facteur indéniable d’employabilité
Le français, langue de l’emploi ? Avec 321 millions de francophones dans le monde en 2022 selon l’ODSEF (Observatoire démographique et statistique de l’espace francophone), la langue française devrait pouvoir maintenir sa troisième place au rang des langues les plus utilisées dans le monde des affaires. Et ce d’autant plus que les universités et écoles du supérieur se préoccupent de plus en plus activement de l’employabilité de leurs diplômés, notamment en mettant en oeuvre des formations de français professionnel ou spécialisé. Par exemple, la mise en place d’une formation FOS des médias dans le cadre d’une licence en journalisme professionnel à Lomé, au Togo. En attestent aussi de nombreuses coopérations universitaires (entre autres pour des formations médicales au Panama, en Algérie, au Cambodge…) et plusieurs initiatives et dispositifs ambitieux. Ainsi, l’AUF (Agence universitaire de la Francophonie) a lancé en 2021 le programme de Centre d’employabilité francophone (CEF) (voir encadré) qui tient compte entre autres du français comme « vecteur d’employabilité ». « C’est l’apprentissage – et la maîtrise – des langues en général qui constitue un facteur indéniable d’employabilité, souligne Driss Sayah, conseiller innovation et partenariat à l’AUF, dans un marché du travail de plus en plus mondialisé avec des entreprises plus ouvertes sur le monde et une mobilité internationale en nette progression. La langue française, en particulier, constitue un atout du fait de son rang parmi les langues les plus parlées au monde (5e langue mondiale par le nombre de locuteurs, après l’anglais, le mandarin, l’hindi et l’espagnol, et 3e langue des affaires) mais aussi et surtout par sa diffusion (la seule, avec l’anglais, à être présente sur les cinq continents). » Maintenir une expertise en français en multipliant les parcours spécialisés et les formations de français « sur objectifs spécifiques » apparaît donc comme une solution tout à fait viable, sinon recommandée, pour favoriser une meilleure employabilité des jeunes, étudiants ou non.
Par Sophie Patois
Encadré : Les centres d’employabilité francophones : le programme d’insertion professionnelle de l’AUF.
Conseil et tutorat d’emploi, formations complémentaires, certifications professionnelles et préincubation entrepreneuriale : tels sont les quatre pôles d’actions mis en place dans les 40 Centres d’employabilité francophones ouverts à ce jour dans 38 pays et 7 régions administratives couverts par l’AUF [par exemple à Cotonou (Bénin), Hô Chi Minh- Ville (Vietnam), Beyrouth (Liban), Phnom Penh (Cambodge) ou encore Ziguinchor (Sénégal)]. Lancé en octobre 2021, ce programme est monté progressivement en puissance (15 CEF sont désormais en activité) mais comptabilise d’ores et déjà 50 000 bénéficiaires avec 1 500 activités organisées. D’ici la fin de l’année 2023, « nous aurons réalisé 100 % des centres projetés », promet-on à l’agence.
Ces 70 espaces, la plupart intégrés dans les universités membres de l’AUF, sont conçus avec des normes internationales pour améliorer l’employabilité des étudiants et favoriser l’insertion professionnelle des diplômés (qui passe aussi par la création d’entreprise, notamment en liaison avec le programme « Entreprendre en Afrique »). État, établissements, enseignants, étudiants et entrepreneurs constituent les six acteurs-clés de ces centres qui vont également générer des emplois. Comme le remarque Driss Sayah : « Nous sommes parfaitement conscients que la réussite des CEF dépend essentiellement de la qualité des équipes qui vont animer ces espaces. L’idée est d’avoir des animateurs spécialisés dans les diverses compétences que nous désirons renforcer chez les étudiants. Ce profil de formateurs n’étant pas toujours disponible, nous avons démarré en septembre 2022 un ambitieux programme de formation de formateurs qui mobilise près d’une dizaine d’experts de haut niveau et s’étalera sur près d’un an. Ce programme cible près de 280 bénéficiaires, soit entre 3 et 5 par CEF. »
Pour compléter ce dispositif, une plateforme mondiale « intégrée et collaborative » reliera l’ensemble des CEF à l’horizon 2024. Un appel à manifestation d’intérêt international a été lancé et une équipe dédiée est en train d’être constituée. Enfin, le modèle pourra être dupliqué avec un système de franchise baptisé CEF+ qui permettra aux établissements de créer leur propre CEF labellisé AUF (en signant un cahier des charges bien défini).