FDLM439 – Politique – Les jeunes et le vote, une histoire de désamour?

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Politique – Les jeunes et le vote, une histoire de désamour?

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Accents d’Europe du 21 octobre 2021 – Juliette Gheerbrant

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Juliette Gheerbrant : On poursuit sur le sujet avec Alice Rouja qui vient de nous rejoindre. Bonjour Alice.

Alice Rouja : Bonjour Juliette. 

Juliette Gheerbrant :

De façon générale, cette désaffection des jeunes pour les urnes fait qu’on parle carrément de « no vote génération » pour les 18-24 ans.

Alors, cette génération Z boude-t-elle la politique ? C’est « votre Europe » aujourd’hui Alice. 

Alice Rouja : 

Oui. Si tu as entre 18 et 25 ans et qu’on est en période électorale, tu peux être à peu près sûr qu’au moins deux membres de ta famille t’appelleront pour te dire d’aller voter. Avec la maxime : voter, c’est pas qu’un droit, c’est aussi un devoir.

Comme si on n’avait jamais reçu d’éducation civique et politique… Ah ben non, en fait, pas vraiment…

Juliette Gheerbrant :

Et c’est important les cours d’éducation civique : on l’a vu avec la Norvège, où les jeunes votent massivement.

Alice Rouja : 

Oui. En France après les élections régionales de juin dernier, huit médias titraient : « L’abstention, premier parti des jeunes. »

Faut dire qu’il y a du vrai. Ce sont les 18-24 ans qui détiennent le record national : 87 % au premier tour. C’était 20 points de plus que dans le reste de la population. Donc, oui , proportionnellement, les jeunes ont davantage boudé les urnes.

Autre exemple : les élections européennes de 2019. 58% des jeunes européens se sont abstenus. Ils étaient 57% en Italie et 60% en France.

Juliette Gheerbrant :

Pour autant, est-ce que ce n’est pas une conclusion hâtive de dire que les jeunes ne votent pas ou ne votent plus ?

Alice Rouja : 

Et si. Déjà, ça dépend quand même fortement du type d’élection. Les [élections] régionales ou les européennes, c’est un peu loin de l’électeur. Mais quand il s’agit d’élection nationale, les chiffres sont sensiblement différents. En France, 62,4 % des 18-24 ans sont allés voter lors des dernières présidentielles. En Pologne en 2020, ils étaient 67,2 %.

Le vote est aussi plus important quand on se sent personnellement touché par un sujet. En Irlande en 2018, le gouvernement met en place un référendum sur la légalisation de l’avortement. Au total, 60% des Irlandais expriment leur voix et chez les 18-24 ans, ils sont 87%, presque tous en faveur de la légalisation. 

Je pourrais aussi parler des Britanniques. En 2016, 64% des moins de 24 ans ont mis leur bulletin dans l’urne. 

Donc non, jeunesse ne rime pas forcément avec abstention. 

Juliette Gheerbrant :

Mais les chiffres que vous citiez au début, ils existent bel et bien. Est-ce que dans une partie de la jeunesse, l’abstention ne vient pas plus largement d’une dépolitisation ? 

Alice Rouja : 

Là, c’est une vraie rime Juliette, mais une allégation un peu erronée. La jeunesse s’engage différemment, je vais y revenir. 

Mais d’abord, ça serait peut-être intéressant de regarder pourquoi elle a tendance à déserter les bureaux de vote.

Juliette Gheerbrant :

Absolument. Est-ce que vous avez un début de réponse Alice ? 

Alice Rouja : 

Peut-être parce que les thèmes débattus au sein des partis traditionnels sont assez éloignés des jeunesses. D’ailleurs, ce ne sont plus ces partis-là qui séduisent. On vient de l’entendre : en Allemagne, les moins de 24 ans se sont mobilisés en faveur des Verts et des Libéraux.

Selon différents sondages, l’abstention vient majoritairement d’une défiance face aux représentants politiques. Et plusieurs études montrent qu’à la différence de leurs aînés, les moins de 24 ans ont plus tendance à lire les programmes.

Alors, s’ils ne s’y retrouvent pas, ils ne votent pas.

Juliette Gheerbrant :

Donc, ce n’est pas un désintérêt de la politique ?

Alice Rouja : 

Oh la non, heureusement ! Pour beaucoup, la politique prend du sens quand elle est concrète. En s’engageant dans une association de quartier et en faisant des distributions alimentaires par exemple.
Il y a aussi l’action collective. Les mouvements “Youth for Climate” ou “Fridays for Future”, nés de grèves scolaires, ont de véritables revendications politiques sur le terrain climatique. 

Et globalement, on ne peut pas dire que les jeunes s’en fichent. Leurs intérêts se manifestent beaucoup sur les réseaux sociaux, les nouveaux terrains démocratiques. Quel que soit le bord politique, ce sont des espaces de débat et d’échange d’information.

Juliette Gheerbrant :

Et alors, qu’est-ce qu’on pourrait faire pour réconcilier les jeunes – et peut-être les abstentionnistes en général – avec les bulletins de vote ?

Alice Rouja:

Vaste question. Certaines pistes sont soulevées, comme la dématérialisation du vote ou le vote par anticipation. En Italie ou en Autriche, depuis quelques années, on parle d’abaisser l’âge citoyen à 16 ans.

Il y a aussi des solutions qui viendraient élargir la démocratie représentative, comme les conventions citoyennes ou les conseils citoyens en Belgique. Déjà là-bas, le vote est obligatoire et ces conseils sont composés de citoyens tirés au sort. Leur rôle : définir les sujets que devra aborder le parlement.

>Généraliser ces initiatives demande une refonte de nos modèles politiques. Et ça, à part la jeunesse, je ne sais pas vraiment qui aurait les épaules de l’assumer.

Juliette Gheerbrant :

Merci Alice Rouja, à la semaine prochaine. Et d’ici-là, on vous retrouve bien sûr sur le réseau #E N T E R, avec les petites vidéos du dimanche.

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