AVIS DE PROFS

Posté le par le français dans le monde

Dans le contexte de crise actuelle liée à l’épidémie de coronavirus, votre revue a décidé de mettre chaque jour en ligne, depuis le 20 mars – journée de célébration de la francophonie – et tous les jours à midi, un article du « Français dans le monde » en libre accès. Aujourd’hui, les témoignages de plusieurs enseignants issus de notre Dossier du FDLM 424 de juillet-août 2019 : « Profession : professeur de français ». Bonne lecture (et bon courage) à toutes et tous !

 

Quatre enseignant(e)s de français livrent leur regard sur leur métier et sa signification, leur
motivation, leur implication, voire leur vocation. Témoignages de quatre passionné(e)s qui
conjuguent leur vie en français.

 

« UNE EXPÉRIENCE UNIQUE »
Eftychia NICOLACOPOULOU, Grèce, professeure de français dans le secondaire
public puis conseillère scolaire du français en Égée-méridionale

« Dans les années 2000, le cours de français se faisait selon la méthode pédagogique traditionnelle centrée sur l’enseignant. Les élèves devaient lire, répondre aux questions sur un texte et tenter de comprendre une phrase ou un paragraphe sans analyse détaillée. La leçon était souvent difficile et ennuyeuse, les livres chargés de vocabulaire, et les enseignants considéraient qu’ils étaient obligés d’expliquer le texte mot à mot et de donner sans cesse des règles de grammaire. En conséquence, l’enseignement d’un chapitre entier prenait plus de deux semaines. Le résultat était que les élèves n’entraient pas vraiment dans la langue, ni dans la culture qu’elle véhicule.

Depuis une dizaine d’années, les enseignants sont plus ouverts à des formations didactiques. Selon l’approche communicative, nous aidons les élèves à entrer dans l’atmosphère de la langue française. Nous utilisons d’abord des mots et des structures grammaticales simples, en entrant dans des phrases plus complexes, augmentant progressivement la difficulté. On incite également chaque élève à prendre des initiatives, comme se présenter en classe par exemple, ce qui constitue une méthode d’enseignement qui exploite le potentiel des élèves. On a encouragé la récitation des poèmes, les jeux de rôle ou la lecture de textes authentiques.

Aujourd’hui, nous utilisons des manuels plus modernes, bien illustrés, présentant des thèmes variés de la civilisation quotidienne française. On enseigne ainsi les habitudes et la mentalité françaises. Donner envie de voyager et d’aller en France est l’un des objectifs de mon cours de langue française. Ainsi, enseigner le français signifie pour moi vivre une expérience unique et inoubliable avec des élèves qui ont soif d’apprendre une nouvelle langue et de nouvelles cultures. C’est proposer des méthodes de travail à la fois rigoureuses et ludiques, et aborder sans cesse de nouvelles activités pédagogiques. »

 

« ÊTRE UN PASSEUR, UN AMBASSADEUR »
Anjali Lokur, Inde, professeure de français au St Xavier’s College de
Mumbai, présidente de l’Indian Association of Teachers of French (IATF)

« Pour moi, être prof de français, c’est plus qu’un métier, c’est un mode de vie. Ce qui émerge, le cœur de mon expérience, ce sont les rapports humains, entre professeure et élèves, tellement enrichissants et précieux. Des liens parfois qui nous lient à vie ! Dans les traditions asiatiques, le professeur a toujours eu un statut reconnu. S’y ajoutent l’alchimie des tempéraments, la bienveillance, la reconnaissance, le respect.

Enseigner la langue française ce n’est pas seulement apprendre à communiquer habillement ou à saisir les subtilités de la langue de Molière, c’est aussi et surtout être le passeur d’une culture et l’ambassadeur d’une civilisation. Dans un pays qui compte 1 milliard 300 millions d’habitants, la communauté francophone comprend 2 500 enseignants et plus de 500 000 apprenants, selon les derniers chiffres fournis par l’Institut français en Inde. Parmi tous ces professeurs, 600 seulement sont membre de l’Association dont je suis l’actuelle présidente : elle peut donc encore largement se développer…

Le français maintient son statut de première langue étrangère la plus enseignée en Inde. Le boum de la technologie y a révolutionné l’enseignement. Les blogs, échanges virtuels et interdisciplinaires permettent d’interagir avec les étudiants du monde francophone sans se déplacer grâce aux réseaux sociaux. Des cours à distance ou en ligne ont été mis en place pour ceux qui ne peuvent pas avoir accès à la formation en présentiel. Le défi serait d’offrir ces cours à des prix abordables pour qu’ils soient à la portée de chacun.

L’Asie dispose d’un fort potentiel économique allié à une démographie exceptionnelle. L’enseignement, assuré par des professeurs-guides hyper-connectés, sera un élément constitutif de premier plan pour un avenir ouvert et dynamique. L’enseignement est et sera le fer de lance du progrès, aujourd’hui comme demain ! »

 

« MON QUOTIDIEN, MON MÉTIER, MA VIE »
Walmir Mike RODRIGUES NOBREGA, Guatemala, coordinateur pédagogique de
l’Alliance française de Guatemala

« Au Brésil d’abord, puis au Guatemala depuis 3 ans, mon parcours est celui d’un pur produit de l’Alliance française, où j’ai débuté comme élève de FLE, et où je n’ai jamais cessé ensuite d’enseigner et d’apprendre. Peu importent les lieux. À Joao Pessoa, au Brésil où je suis né, j’ai appris le français, poussé par la directrice de mon école publique et encouragé par une bourse à tenter l’aventure. J’étais le seul à parler cette langue à la maison, mais ma famille était derrière moi. Ils m’écoutaient chanter Céline Dion et Joe Dassin sous la douche, ils voyaient traîner sur la table du salon les livres et les DVD que je ramenais de la médiathèque. Ils ont cru autant que moi qu’apprendre une langue me ferait sortir de ma condition, me ferait grandir et voyager.

Grâce à la confiance des directeurs successifs de l’Alliance de Joao Pessoa, je suis devenu enseignant avant même d’avoir terminé mes études. Parler, écouter, chanter, répéter et transmettre. La méthode actionnelle ou le CECRL étaient à l’époque des mots barbares, des étiquettes bizarres pour moi, le voyageur immobile qui n’avait jamais quitté son quartier, ses amis, sa famille, son portugais du Brésil.

Je ne sais toujours pas très bien pourquoi j’ai eu envie d’en savoir toujours plus sur cette langue et cette culture, mais j’ai décidé d’en faire mon quotidien, mon métier, ma vie. Enseignant le jour, étudiant le soir, j’ai rejoint l’université par des chemins de traverse, ceux de la formation qui se poursuit tout au long de la vie. Les certificats et les diplômes sont venus conforter mes pratiques et ma vocation d’enseignant.

À l’Alliance française de Guatemala, j’anime et je coordonne aujourd’hui une équipe d’enseignants de FLE dans un contexte hispanophone. Jour après jour, j’apprends l’espagnol et je forme en français. Apprendre, enseigner et former ne font qu’un selon moi. Chaque phase d’apprentissage jalonne et éclaire le parcours du passeur sur le chemin de la connaissance. »

 

« UN LONG VOYAGE ÉPOUSTOUFLANT »
Agnieszka POLAK, Pologne, professeure de français au lycée catholique de Lodz

« Je suis polonaise et depuis ma naissance j’habite à Lodz, une grande ville postindustrielle au centre de la Pologne. En 2018, j’ai fêté mes vingt ans de travail en tant qu’enseignante de français et d’italien. Je suis née dans les années 1970 dans un pays où régnait un régime communiste. En 1981, pendant la période atroce de l’état de guerre en Pologne, j’avais 7 ans et je commençais ma scolarité. Je fréquentais une toute petite école primaire au centre de Lodz où j’ai eu l’immense chance de pouvoir apprendre la langue de Molière.

Un jour, nous avons vu entrer dans notre classe une femme d’une exceptionnelle beauté, blonde, aux cheveux longs, avec un maquillage fascinant et dégageant l’odeur inoubliable d’un parfum exotique. C’était notre prof de français ! Elle incarnait pour moi l’idéal de l’élégance, du luxe et du sublime. Comme un bel oiseau plein de couleurs, elle nous ouvrait les yeux sur un monde inconnu, celui de la légèreté et du charme. Le français est donc devenu mon premier amour : sa douce mélodie a tout de suite envahi mon cœur.

Ainsi, j’ai poursuivi mes études dans l’un des meilleurs lycées de mon pays, puis développer ma passion pour la philologie romane à l’université de Lodz, où j’ai choisi l’italien comme deuxième langue. Après avoir fini mes études, j’ai commencé à enseigner, d’abord le français, puis l’italien, à tous les publics et à tous les niveaux. Actuellement, j’essaie de partager avec mes élèves cet immense plaisir qu’est l’apprentissage d’une langue étrangère, en les initiant à d’autres cultures. Je les aide à préparer des examens comme le Bac français ou le DELF, mais aussi des concours plus ludiques comme les Olympiades linguistiques. Nous faisons du théâtre en français (Festival du théâtre francophone pour les lycéens à Koszalin), nous chantons en français (Festival de la chanson française de Lodz)…

Pour moi, apprendre mais également enseigner le français, c’est partir pour un long voyage époustouflant afin de découvrir des terres inconnues. Depuis vingt ans, je fais le voyage de mes rêves, accompagnée de mes plus chers amis, mes élèves. »

 

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