La continuité pédagogique dans les centres universitaires de FLE

Posté le par le français dans le monde

Dans le contexte de crise actuelle liée à l’épidémie de coronavirus, votre revue a décidé de mettre chaque jour en ligne, depuis le 20 mars – journée de célébration de la francophonie – et tous les jours à midi, un article du « Français dans le monde » en libre accès. Aujourd’hui, une TRIBUNE inédite de CAMPUS FLE coordonnée par Emmanuelle Rousseau-Gadet (Université d’Angers), qui revient sur l’adaptation des centres universitaires de langues au confinement. Bonne lecture (et bon courage) à toutes et tous !

 

Comment s’est réorganisée la vie dans les centres universitaires de FLE de Campus FLE à l’annonce du confinement ? Tous les acteurs des centres ont eu à cœur de maintenir et adapter les formations à cette situation exceptionnelle. Direction, administration, responsables pédagogiques, ingénieurs d’étude, enseignants et étudiants se sont mobilisés et vous racontent. Quelle organisation ? Quels outils ? Quelle adaptation du diplôme de DUEF avec les instances de l’université ? Quel accompagnement des enseignants ? Et quel ressenti des étudiants ? C’est ce que vous découvrirez dans cette tribune à travers des témoignages.

www.campus-fle.fr

 

Carré International – Université de Caen Normandie
Par Anne Prunet, directrice des études FLE
(Relecture et conseil : Stéphane Leclerc, directeur du Carré International ; Éric Lobstein, responsable administratif ; Sylvie Lepetit, responsable du Pôle Formation en langues)

Comme tous, le Carré International a dû s’ajuster au choc du confinement en un laps de temps très court. Les enjeux sont multiples dans notre service commun qui comprend la mobilité de tous les étudiants de l’Université de Caen Normandie, l’enseignement des langues vivantes aux étudiants non spécialistes et du français aux étudiants étrangers.

Des réunions préparatoires avaient eu lieu en amont du confinement général. Chacun se voulait alors positif, favorisant l’hypothèse de normes moins restrictives. Pour le pôle FLE, nous avons formé dès le 13 mars un comité de pilotage comprenant notre directeur, notre responsable administratif, notre responsable du Pôle Formations en langues et notre directrice des études FLE.

Les missions ont émergé rapidement : faire le lien entre les équipes, les coordonner dans leurs nouvelles tâches. Rassurer les étudiants, les localiser et les aider à s’acheminer vers leur pays, le cas échéant, les doter des outils adéquats pour une continuité pédagogique optimale qui pondère la fracture numérique.

Les enseignants et le personnel administratif, brutalement contraints à une véritable révolution copernicienne : d’un tout présentiel à un tout distanciel. Organiser les modalités de contrôle des connaissances, les visioconférences, les chats, garder le contact avec tous, confier des missions adéquates et motivantes à tous, correspondant aux besoins prioritaires… Communiquer avec les universités partenaires, statuer sur le maintien des cours d’été, des dates de rentrée, d’inscription…

Si le virage numérique était dans l’air du temps, il est clair qu’il y aura un avant et un après Covid-19 en la matière et que les services à l’international ne fonctionneront plus comme ils avaient coutume de le faire. Appelons de nos vœux que l’épreuve nous fera nous emparer des potentialités virtuelles et numériques tout comme elle renforcera les liens humains de bienveillance et de solidarité au sein de nos équipes.

 

Université de Pau et des Pays de l’Adour
Par Géraldine Larguier, enseignante et responsable du numérique à l’IEFE

Poème de Kutchi (débutant) publié sur la page Facebook de l’IEFE.

La continuité pédagogique s’appuie d’abord sur des réunions de l’équipe enseignante pour harmoniser les directives : maintenir la liberté pédagogique tout en proposant conseils et aide technologique. Quelques échanges de bonne pratique commencent spontanément. Mais concrètement, quelles solutions a-t-on choisies pour poursuivre les cours à distance et maintenir les interactions ?

Aux visioconférences plutôt régulières s’ajoutent des échanges continus par groupes via WhatsApp. Les cours sous forme de fichiers sont parfois complétés par des capsules, ces courtes vidéos pédagogiques, que les apprenants visionnent en complétant une feuille de route. Puis nous répondons aux questions. Certains d’entre nous créent même leurs capsules (Screencast O’matic).

Pour l’écrit, des espaces collaboratifs (Google Drive, Framapad, Padlet) se multiplient, permettant ainsi de voir en direct ou de manière asynchrone les productions écrites. Chacun voit l’écrit de l’autre, voire s’en inspire : c’est un changement de posture !

Et ne pas oublier de varier les activités, de stimuler la créativité : quiz en ligne (Kahoot, Socrative), publication d’un journal (Calaméo), création de sondages (Zoutch) ou de vidéos (Spark vidéo).

 

Visiogroupe

Notre page Facebook joue enfin un rôle fédérateur car on y publie des informations importantes pour répondre aux inquiétudes mais aussi “la chanson du jour” d’un apprenant ou bien des productions ayant un destinataire réel. Les liens se maintiennent ainsi entre les membres de notre communauté.

 

Maison des langues – Le Mans Université
L’Accompagnement techno-pédagogique des enseignants, par Doryce Corny, Claire Dekeyser et Kévin Delorme 

Illustration de Doryce Corny.

À la Maison des Langues, les formations sont multimodales. En plus du face-à-face pédagogique, des ressources numériques sont proposées toute l’année sur la plateforme Moodle. Les étudiants travaillent en autonomie sur les espaces et individualisent ainsi leur parcours. Un espace d’accompagnement des enseignants existe également et propose des tutoriels ainsi que des retours sur expérience.

Dès les premières mesures anti-Covid19, l’équipe de la Maison des Langues s’est organisée pour favoriser l’enseignement à distance. La présence d’ingénieurs pédagogiques dans la structure a permis de réfléchir rapidement à une sélection d’outils utilisables à la fois pour l’enseignement et pour les échanges entre enseignants et ingénieurs pédagogiques. Le choix s’est porté sur la plateforme Moodle déjà en place et Zoom pour la visioconférence. L’utilisation des mêmes outils dans ces deux contextes permet aux enseignants d’en visualiser les usages concrets.

Afin d’assurer un accompagnement techno-pédagogique personnalisé, le suivi de chacun des enseignants de la Maison des Langues a été assigné à l’un des trois ingénieurs pédagogiques. Ce choix résulte de l’hétérogénéité de maîtrise des outils numériques : certains les utilisaient déjà et s’interrogent aujourd’hui sur un usage plus poussé, tandis que d’autres les découvrent et doivent donc y être initiés. Des objectifs communs à moyen terme sont définis par les ingénieurs pédagogiques et communiqués aux enseignants.

À mi-chemin entre technique et pédagogique, les ingénieurs pédagogiques comprennent les possibilités et limites des deux côtés. Ils assurent donc le relais avec les services numériques de l’université qui conservent les droits d’administration sur les outils.

À l’issue de cette période, les enseignants auront acquis de nouvelles compétences numériques qu’ils pourront intégrer durablement à leurs pratiques pour s’inscrire dans la politique d’innovation pédagogique de la Maison des Langues.

 

Entretien
Nicolas Vanhoutvenne, enseignant de FLE à la Maison des Langues – Le Mans Université.

Comment organisez-vous votre travail en cette période de confinement ?
Le temps que je passe habituellement à donner cours à l’université ou en réunion avec des collègues s’est converti en temps passé devant l’ordinateur. Pour poursuivre le travail avec les étudiants, je crée des quiz, anime des forums, suis des journaux de bord via notre plateforme. Grâce au dépôt d’enregistrements, le travail peut s’effectuer à l’oral comme à l’écrit.

Quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées ?
Lorsqu’on doit gérer un cours 100 % à distance, le travail d’ingénierie pédagogique peut vite devenir très chronophage, notamment avec la conception d’activités autocorrectives. C’est une difficulté majeure lorsqu’on est confiné en famille à la maison. Des séances de classes virtuelles peuvent ainsi s’avérer très utiles pour faire le point avec les étudiants.

Et les apprenants sont-ils présents en ligne ?
Les apprenants se révèlent en majorité très actifs. Il faut cependant rester attentif à ceux qui ne posséderaient pas l’environnement ou les équipements nécessaires pour travailler.

Quels conseils donneriez-vous à vos collègues ?
Avant de se précipiter sur les nombreux outils numériques disponibles (ou de paniquer), il faut partir de sa pratique et se demander de quoi on a vraiment besoin. Souvent, le dispositif le plus simple est aussi le plus efficace. Si votre établissement dispose d’ingénieurs pédagogiques, n’hésitez pas à les solliciter !

 

CeLFE de l’Université d’Angers
Témoignage de Dany Charaf, étudiant en DUEF B2, questionné par Charline Barouki, enseignante au CeLFE Université d’Angers

Pouvez-vous vous présenter ?
J’ai 25 ans, j’habite seul dans le centre-ville d’Angers et j’étudie la langue française au CeLFE au niveau B2. Je viens de Syrie que j’ai quittée il y a six ans et je suis en France depuis un an et demi. Mon projet est de reprendre mes études de médecine. 

Comment vivez-vous le confinement actuel ?
Pour moi, la mise en quarantaine est inévitable, nous devons donc, en tant qu’étudiants, respecter les lois, mais la vie ne s’arrête pas. Nous devons poursuivre notre programme d’études en suivant des cours à distance via la base de données qui nous relie à nos professeurs. Je passe mon temps de manière utile et agréable, ou du moins j’essaie qu’il le soit le plus possible. 

Comment vous organisez-vous pour travailler et poursuivre votre formation en DUEF ?
Je m’efforce de garder les heures de classe quotidiennes comme si j’allais à l’université. J’étudie mes leçons quotidiennement (cours oraux, exercices d’écriture et de grammaire et des évaluations) avec mes enseignants en communiquant tous ensemble via le site de l’université, WhatsApp et par courriel également. Il y a toujours des difficultés mais ça reste très utile car nous pouvons échanger avec nos profs de manière pratique, rapide et efficace et à tout moment. Quant au temps restant, j’essaye de l’investir avec ce que j’aime, en dessinant ou en lisant des romans en français, à la fois ludique et utile, sachant que j’ai lu le tout premier pendant cette quarantaine, un livre de Françoise Sagan.

Comment ont évolué vos relations avec vos enseignants et entre les étudiants ?
Il ne fait aucun doute que la vie universitaire est différente du passé, mais la communication avec nos profs est quotidienne et elle inclut une atmosphère de sérieux et de plaisir dans l’éducation. Cependant, les relations avec les autres étudiants sont devenues moins importantes compte tenu des circonstances actuelles. 

Un dernier mot ?
Selon moi, cela pourrait être un bon moment pour organiser à nouveau notre vie, réfléchir à nos objectifs futurs et y travailler parce que la vie continue encore et encore, le temps ne s’arrête pas lorsque la montre tombe en panne.

 

Tous ces efforts des uns et des autres (étudiants, enseignants, soutiens administratifs) vont permettre aux étudiants de passer leurs examens et d’obtenir leur DUEF comme prévu et ainsi d’entrer à l’université. D’ailleurs, un communiqué de presse à ce sujet sera diffusé dans les prochains jours.

 

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