YouTube, portail pédagogique ?
Dans le contexte de crise actuelle liée à l’épidémie de coronavirus, votre revue a décidé de mettre chaque jour en ligne, depuis le 20 mars – journée de célébration de la francophonie – et tous les jours à midi, un article du « Français dans le monde » en libre accès. Aujourd’hui, la rubrique SOCIETE à retrouver dans le numéro 420 de novembre-décembre 2018. Bonne lecture (et bon courage) à toutes et tous !
L’enquête Ipsos « Junior Connect » de 2017 est formelle : 96 % des 13-19 ans regardent YouTube. Autant dire que ce portail de vidéos en ligne a une capacité d’influence sur les plus jeunes. Et parfois pour le meilleur. (Par Cécile Josselin)
Comme beaucoup de jeunes de leur âge, Jeanne et Jorian ne passent pas une journée sans regarder YouTube. Jeanne (13 ans) y consacre même 2 heures par jour au grand dam de son père qui ne comprend pas cet engouement. Qu’est-ce que les adolescents peuvent bien trouver dans ce monde virtuel qu’ils n’ont pas dans la vie réelle ? Passionné de jeux vidéo, Jorian (16 ans) regarde la chaîne de LaSalle principalement pour s’amuser.
« Il est drôle et ses vidéos sont bien faites, confie-t-il. En le regardant, je joue par procuration avec lui et ses copains. » Jeanne suit quant à elle une dizaine de youtubeurs, comme on désigne ces vidéastes en ligne adeptes de la plateforme bien connue. Si quelques-uns donnent leurs avis sur les derniers cosmétiques, la plupart ont des chaînes d’humour que Jeanne regarde pour se divertir. Si elle affirme d’abord ne pas être influencée par les youtubeurs, elle reconnaît que les vidéos de Marion Seclin l’ont sensibilisée au féminisme. Car si les jeux vidéo et l’humour restent les valeurs sûres de YouTube, d’autres chaînes du portail apprennent aux adolescents à se maquiller, à assumer leur corps et même… à réviser leurs cours.
Démocratie 3.0
Pour ces ados, les youtubeurs sont des sortes de mentors. Plus âgés qu’eux de quelques années, ils font office de référents. Une sorte de grand frère ou de grande soeur super cool, qui parlent la même langue qu’eux, « cash » et saturée de superlatifs. Le tout sans jamais se prendre au sérieux. Moins naïfs que certains l’imaginent, 63 % des jeunes repèrent aussi le lien entre YouTube et le commerce. Gare aux youtubeurs qui abuseraient donc d’un sponsoring servile. « Bad buzz » garanti assorti d’une sanction immédiate : un désabonnement massif !
Mais quand la relation de confiance s’instaure, le jeune internaute en est aussi acteur. Membre à part entière d’une communauté, il n’hésite pas à interagir avec son modèle en postant des commentaires, dans lesquels il pose des questions et sollicite de nouveaux sujets à traiter. Les vidéastes leur répondent et suivent leur avis. C’est la démocratie 3.0 !
« Les chaînes de savoir ont un succès certain et surprennent parfois les profs eux-mêmes par leur sérieux »
Parmi tous ces mordus de YouTube, 31 % s’y rendent pour apprendre à faire quelque chose. Sans atteindre le nombre d’abonnés de Natoo (une ex-banlieusarde néoféministe), de Cyprien (humoriste) ou de Perfect Honesty (une influenceuse beauté), les chaînes de savoir ont un succès certain et surprennent parfois les profs eux-mêmes par leur sérieux. Citons dans cette catégorie « L’Antisèche », faite en collaboration avec des enseignants, « e-Penser » ou la chaîne histoire « Nota Bene » qui réunit de plus en plus d’abonnés, comme les chaînes de vulgarisation scientifique que sont Micmaths, Dirty Biology, Science étonnante, ExperimentBoy. Sans avoir la qualité ou l’exhaustivité d’un cours, ces vidéos de 5 à 30 min ont l’avantage de donner envie d’en savoir plus et de synthétiser ce qu’il faut retenir à des dizaines, voire des centaines de milliers de personnes. Pas si mal comme bilan !