Animer une page Facebook en classe de français
Dans le contexte de crise actuelle liée à l’épidémie de coronavirus, votre revue met chaque jour en ligne à midi, depuis le 20 mars – journée de célébration de la francophonie –, un article du « Français dans le monde » en libre accès. Aujourd’hui, la rubrique INNOVATION par Julie BOHEC, enseignante de français à l’université catholique de Fu-Jen à Taipei (Taïwan), à retrouver dans le numéro 426 de novembre-décembre 2019. Bonne lecture (et bon courage) à toutes et tous !
Des étudiants en 2e année dans une université taïwanaise ont suivi un projet à la fois simple et riche en possibilités : animer une page du célèbre réseau social sur la culture de leur pays. Compte rendu d’expérience.
De nos jours, il n’est plus possible d’éviter l’utilisation des nouvelles technologies dans les cours de langue. Désormais, avec l’utilisation quotidienne d’Internet et des ordinateurs, il convient de comprendre qu’il est différent d’enseigner au XXIe siècle comparé au XXe siècle. Les nouvelles technologies sont plus efficaces pour certaines tâches quotidiennes, elles peuvent rendre l’activité en classe plus intéressante pour un travail de qualité et elles permettent d’effectuer des tâches qui n’étaient pas possibles avant.
Parmi les avantages des TIC en classe de langue, on peut citer de nouvelles dimensions apportées aux projets mis en place par les enseignants et la possibilité de réaliser des tâche concrètes, de communiquer avec des francophones natifs dans une situa tion réelle, autre que pédagogique : la classe est ouverte au monde extérieur, ce qui peut motiver les apprenants et aider à leur collaboration.
Les réseaux sociaux permettent une réelle communication dans le moment présent.
Outre l’aspect moderne, plus proche du quotidien des apprenants, comme le font remarquer Barrière, Émile et Gella (2011), un blog ou une page Facebook permettent d’améliorer ses compétences de production et de compréhension écrite grâce à la rédaction des articles et à la lecture des commentaires. Les réseaux sociaux permettent une réelle communication dans le moment présent. Comme le rappellent Cordina, Rambert et Oddou, publier son travail en ligne « donne du sens à la tâche » (2017), que ce soit la publication ou le travail fait en classe.
Les auteurs de pratiques et pro- jets numériques en classe de FLE conseillent de considérer les caractéristiques de l’élément choisi selon son accessibilité, son usage simple, son interactivité, son organisation, son intérêt pour l’activité. Dans notre cas, Facebook répondait à tous ces critères puisque les étudiants avaient un compte sur ce réseau social et qu’ils savaient donc l’utiliser.
Écrire pour des francophones
Les étudiants concernés par cette activité sont en deuxième année de licence. Ils ont, pour la plupart, commencé leur apprentissage du français un an plus tôt puisque peu ont étudié le français avant l’université. Ils sont spécialistes de français et ont, en général, un niveau A2. Ce n’est donc pas leur seul cours hebdomadaire de français. Ils ont eu un cours de compréhension et d’expression écrite en première année mais c’est leur premier cours effectif d’expression écrite. Ils devront le suivre jusqu’en fin de troisième année, soit quatre semestres. Ce cours dure deux heures chaque semaine. Au total, ce sont vingt- trois étudiants qui ont participé à ce projet : vingt-deux Taïwanais et un Japonais. L’activité a duré tout le semestre, en moyenne 50 minutes toutes les deux ou trois semaines.
Notre activité consistait à écrire un article pour la page Facebook de la classe. Tout d’abord, la classe avait choisi un nom de groupe en français et en chinois ainsi qu’une photo et un court article pour présenter la classe et le projet. Ensuite, nous avons imaginé ensemble les thèmes sur lesquels les apprenants aimeraient écrire dans le cadre de cette activité. Tout était en lien avec Taïwan : il s’agissait d’une pré- sentation culturelle parce qu’elle s’avérait plus intéressante pour les francophones et pour que les ap- prenants connaissent ce sur quoi ils devaient écrire.
Lors des séances suivantes, l’enseignante choisissait un thème et demandait à chaque groupe d’imaginer des sujets plus précis et d’en choisir un. Par exemple, pour la cuisine taïwanaise, il s’agissait de plats représentatifs ou intéressants à présenter (certains ont parlé d’une soupe de fleurs). Pour la vie des étudiants taïwanais, certains ont présenté les cours, d’autres les restaurants universitaires, les loisirs des étudiants, le travail ou encore les dortoirs. La rédaction des articles avait lieu pendant la classe : l’objectif était d’écrire en groupe et ils avaient déjà des devoirs à rendre régulièrement pour ce cours, il n’était pas nécessaire d’en rajouter. De plus, ils devaient se corriger entre eux, compléter les phrases des autres. Or, l’organisation pour travailler ensemble hors du cours aurait pu être compliquée. Leur seul devoir était de taper à l’ordinateur leurs articles.
Un enseignant qui guide et conseille
Le rôle de l’enseignant était de passer entre les groupes, pour conseil- ler, pour guider ou pour les faire réfléchir sur leurs erreurs. Avant la publication en ligne, les étudiants devaient envoyer à l’enseignante leur travail qu’elle leur renvoyait corrigé afin qu’il n’y ait pas d’erreurs sur la page Facebook.
Les personnes invitées sur la page Facebook étaient des enseignants du département ou bien des contacts de l’enseignante intéressés par l’Asie. Bien que les apprenants soient majeurs, nous avons souhaité en limiter l’accès avec un groupe fermé. Il avait été proposé aux étudiants d’inviter leurs amis francophones mais ils n’en connaissaient pas. L’objectif, qui a été atteint, est que les francophones lisent et fassent des commentaires aux étudiants pour rendre l’activité plus intéressante et motivante en sachant qu’ils avaient des lecteurs. Au total, l’enseignante a invité vingt membres francophones et vingt- quatre articles ont été écrits par des groupes composés de deux à quatre étudiants en moyenne. Les articles devaient être suivis d’une photo, lorsque le sujet s’y prêtait, pour être plus attrayants et rendre la page plus agréable.
Les bénéfices de l’activité
À Taïwan, tous les étudiants ont un compte Facebook. Utiliser un support proche du quotidien des apprenants est très positif et original. L’idée d’être lus par des franco- phones était motivante et obligeait les apprenants à rédiger un article intéressant dans l’espoir d’avoir des commentaires. Que d’autres en- seignants puissent lire leur travail imposait aussi un certain niveau de langue. Il était aussi possible de voir ce qu’avaient fait les autres groupes et une certaine concurrence positive s’est installée, en voulant faire aussi bien voire mieux que les autres groupes. Cela leur a fait travailler l’expression écrite et les a aussi fait réfléchir sur leur propre culture.
Les apprenants ont pu s’améliorer en écrivant régulièrement en groupe avec la satisfaction d’être lus par d’autres personnes que seulement l’enseignant, ce qui peut être assez rare en classe. Cela a aussi rendu le cours moins monotone qu’avec des activités plus classiques avec un véritable résultat, la page Facebook qui n’a pas été fermée à la fin de l’activité et qui laisse un souvenir à la classe.
Bibliographie
• Barrière I., Émile H., Gella F. 2011. Les TIC, des outils pour la classe, Grenoble, PUG.
• Baussan S. 2012. Bons et mauvais usages de l’interaction en ligne. Les TICe, vecteur de motivation ou source d’ennui, Le langage et l’homme, Quelle place pour le TICe en classe de FLE ? L’heure des bilans, XXXXVII.1- 2012. P. 5-17
• Cordina D., Rambert J., Oddou M. 2017. Pratiques et projets numériques en classe de FLE, Paris, CLE International.
• Poirier V., Dezutter O., Bleys F. Et als. 2012. Nouvelles technologies, nouvelles pratiques d’écriture ? Le point de vue d’étudiants universitaires en FLE(S), Le langage et l’homme, Quelle place pour le TICe en classe de FLE ? L’heure des bilans, XXXXVII.1- 2012. P. 61-68.
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