«Je suis née dans le paradis des langues»

Posté le par le français dans le monde

À chaque numéro, le témoignage d’une personnalité marquante de l’émission de TV5Monde présentée par Ivan Kabacoff. Aujourd’hui, Loveena Narayanen, professeure de français mauricienne en Australie. Une rubrique « Étonnants francophones » à retrouver dans le numéro 424 (juillet-août 2019) du Français dans le monde.

Bandeau DF


« Bonzour bann lekter ! Je suis de Maurice, une île unique où l’enseignement primaire et secondaire se fait à la fois en français et en anglais. J’aime bien dire que je suis née dans le paradis des langues, où le créole, celle de tous les Mauriciens, est entouré de plein d’autres, comme le mandarin et une panoplie de langues indiennes telles que le tamoul ou le bhojpuri. Le français, lui, est bien ancré dans la vie de l’île, avec un accent, une musicalité et des expressions qui attirent comme dans un conte de fée. L’envie de lire que m’ont donnée mes parents m’a fait découvrir le monde, et notamment la littérature francophone : la comtesse de Ségur quand j’étais plus jeune et les œuvres classiques de Molière, Hugo ou Baudelaire parmi tant d’autres, mais surtout les auteurs africains comme Camara Laye ou mauriciens tels J. M. G. Le Clézio ou Ananda Devi.

« Quand j’ai déménagé en Australie, en 2006, je ne m’attendais pas à ressentir un tel bouillonnement à faire découvrir mon pays et la francophonie ! »

Quand j’ai déménagé en Australie, en 2006, je ne m’attendais pas à ressentir un tel bouillonnement à faire découvrir mon pays et la francophonie ! Peut-être est-ce parce que mon mari et moi voulions tous deux que nos filles voient le monde à travers les différentes fenêtres qu’ouvrent les langues, que j’ai aussi véhiculé cette énergie dans ma passion d’enseigner le français ? Tout ce que je sais, c’est que ces années australiennes m’ont donné une richesse inépuisable. J’ai rencontré des personnes qui m’ont marquée par leur envie de s’immerger dans cet océan de connaissances, de cultures, d’histoires et de diversité qu’offre la francophonie. Des enseignants que j’ai côtoyés en Australie et aussi en France, lors d’un échange à Dijon. Mes collègues, avec qui j’ai tissé des liens forts. Et mes élèves, dont les yeux brillent quand je leur joue de la musique africaine en français, quand je leur montre des films en français des cinq continents, quand je leur lis de la poésie des îles qui évoquent des souvenirs de l’oralité ou leur fais découvrir l’écriture mauricienne rythmée par la danse du Sega. Quand ils chantent, dansent et lisent tout simplement en français.

Comme l’a dit la romancière Nathacha Appanah, je montre à mes élèves que « le français est une langue archipel qui n’est pas réduite à l’Hexagone ». Je le fais à travers des activités comme des voyages scolaires en Nouvelle-Calédonie où les élèves découvrent un français imprégné de la culture kanake. À travers des expériences authentiques en Australie, à l’Alliance française, aux expositions d’artistes francophones à la Galerie nationale de Victoria, ou encore en rencontrant des professionnels du commerce, de l’audiovisuel, des sciences ou de la mode implantés en Australie. Sans oublier de savourer des crêpes tout en buvant de l’Orangina dans les nombreuses crêperies françaises !

Avec un poster Nouvelle Caledonie dans ma classe

« Comme l’a dit la romancière Nathacha Appanah, je montre à mes élèves que “le français est une langue archipel qui n’est pas réduite à l’Hexagone” »

La Semaine de la francophonie est pour moi un des meilleurs moments de l’année. J’apprends aux jeunes à jongler avec les mots à travers le concours « Dis-moi dix mots ». Ce fut un grand honneur quand nous avons gagné le 1er prix du concours en 2017 ! J’ai accompagné mes élèves à la cérémonie de remise de prix à l’Académie française, à Paris, sous le regard de Richelieu ! Je suis fière également d’avoir été responsable de l’obtention du prestigieux Label FrancEducation et d’une convention avec le CNED, toutes deux décernées à mon établissement scolaire où je travaille depuis neuf ans, au Glen Eira College, à Melbourne.

« Ce français qui a pris son envol en Australie, pays qui possède lui-même une grande diversité linguistique avec plus de 300 langues aborigènes, a un beau chemin devant lui. Les langues unificatrices… j’y crois ! »

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Sur le tournage de Destination Melbourne

Pour moi, enseigner le français, c’est partir avec mes élèves, aller à la découverte de cultures qui forgent l’identité francophone à travers le monde. Quand mes anciens élèves me disent que leur aventure avec la langue française continue ou me demandent : « Madame, organisez un voyage à l’île Maurice ! », je me dis que j’ai gagné mon pari ! Ce français qui a pris son envol en Australie, pays qui possède lui-même une grande diversité linguistique avec plus de 300 langues aborigènes, a un beau chemin devant lui. Les langues unificatrices… j’y crois ! Quant à moi, éprise de l’identité australienne qui s’est ajoutée à mon parcours, qui porte le kreol dans son âme et le français dans son cœur, le rêve continue…

Retrouvez LOVEENA dans Destination Francophonie

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