« Le français est une langue unificatrice »
À chaque numéro, le témoignage d’une personnalité marquante de l’émission de TV5Monde présentée par Ivan Kabacoff. Aujourd’hui, Olga Epanova, étudiante russe qui vit à Montréal. Rubrique « Étonnants francophones » à retrouver dans le numéro 414 du Français dans le monde.
« Je viens de Magnitogorsk, une ville russe non loin du Kazakhstan, où j’ai fait mes études d’anglais et de français. C’est vraiment à l’université que je me suis intéressée au français. Tout d’abord, c’était grâce aux livres, puis grâce à la musique et à la peinture. Et quand un jour j’ai vu le spectacle musical Notre-Dame de Paris, je suis “tombée en amour” de cette langue ! En fait, je l’avais déjà choisie à 10 ans, à cause de ma mère qui enseignait le français (et l’allemand) mais aussi de mon envie de ne pas être comme tout le monde. L’anglais est certes indispensable, mais ce serait trop ennuyant si on ne parlait que cette langue ! En plus, le français me semble plus proche du russe que l’anglais. Plus riche, plus nuancé. Je lui trouve un supplément d’âme. À vrai dire, j’oppose toujours les deux langues, et ça devient de plus en plus une lutte personnelle !
À présent, le français est la langue de mes études, de mon travail et de mes amis. Sur le marché du travail, c’est mon avantage compétitif car le français me permet de travailler partout dans le monde et de me sentir chez moi dans n’importe quel pays francophone. J’ai découvert un monde entier grâce au français.
«Le français me paraît plus proche du russe que l’anglais. Plus riche et nuancé. Je lui trouve un supplément d’âme»
Actuellement, je suis étudiante à l’Université de Montréal. J’ai été attiré par Montréal il y a longtemps, avec l’idée de pratiquer mes deux langues étrangères en même temps. Et j’étais curieuse de vivre dans un milieu multiculturel où je puisse rencontrer des gens de toute la planète. J’ai compris très vite que ce n’était pas le français que j’avais appris à l’université et que les Québécois n’étaient pas des Français… Ce n’est pas juste la langue qui les différencie mais aussi la mentalité et le style de vie. Malgré cette différence, eux aussi protègent leur langue et leur identité. C’est leur point d’honneur ou leur “idée nationale”, comme on dit en Russie. Et de ce point de vue, je les admire aussi.
Cela peut créer des inconvénients, surtout pour les immigrants. Mais le Québec propose aussi des cours gratuits pour intégrer les nouveaux arrivants. C’est une bonne chose car il veut garder son identité. C’est un peu comme dans n’importe quel pays de l’Europe ou de l’Asie : quand on arrive sur un territoire donné pour vivre ou mener des affaires, il faut être prêt à ce que ce soit fait en langue nationale. Et c’est tellement joli de voir des panneaux routiers près de la frontière avec les États-Unis écrits en français et en système métrique au lieu du système “impérial” ! Est-ce légitime ? Oui, absolument : son territoire, ses règles.
À Montréal, je participe au projet pilote de jumelage linguistique étudiants-commerçants de l’UdeM et de la Chambre de commerce. Le projet vise les commerçants immigrants qui habitent à Montréal depuis plusieurs années mais ne parlent pas (ou peu) français. Chaque semaine, je passe ainsi 2 heures chez Mustafa. Il est ouïghour, il vient du Turkestan (une province chinoise) et il tient un petit restaurant.
«Où pourrais-je bavarder avec un Syrien, une Mexicaine, un Iraquien ou un Vietnamien, réunis tous au même endroit, chez ma copine africaine?»
Je ne sais pas encore si je vais rester au Québec pour longtemps mais si je pars un jour, je me sentirai à l’aise dans n’importe quel pays du monde. Si c’est un pays francophone, je pourrai m’intégrer plus vite. Sinon, je pourrai toujours enseigner le français et promouvoir la culture française sur un nouveau territoire. Mais ici, le français est devenu pour moi une langue unificatrice grâce à tous ces efforts et à ce mélange incroyable qu’il y a à Montréal : où encore pourrais-je bavarder avec un Syrien, une Mexicaine, un Iraquien ou un Vietnamien, réunis tous au même endroit, chez ma copine africaine ? »
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