Fdlm 393 – Hommage : il y a soixante ans, l’appel de l’abbé Pierre (3’30’’)
Hommage : il y a soixante ans, l’appel de l’abbé Pierre
Le 1er février 1954, dans une France paralysée par le froid, l’abbé Pierre lance un appel historique et sonne la mobilisation générale et citoyenne contre la pauvreté et l’exclusion. Son appel sera entendu par un grand nombre de Français et donnera naissance à un élan de solidarité sans précédent que l’on nommera « l’insurrection de la bonté ». Soixante ans plus tard, que reste-t-il de cette mobilisation ? L’actuel directeur général de la Fondation Abbé-Pierre, Patrick Doutreligne, répond aux questions des enfants. Ils sont au micro de Gilles de Romilly.
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TRANSCRIPTION
Gilles de Romilly – Janvier et février 1954 / dans le terrible hiver qui paralyse la France / six semaines à moins 20° / une femme puis un bébé meurent de froid / deux morts de trop pour Henri Grouès / alias l’abbé Pierre / c’est à la radio que le prêtre / ancien résistant / va crier son indignation / son appel / historique / va mobiliser les Français au-delà de tous les espoirs / une mobilisation générale contre la pauvreté et l’exclusion / à Paris et partout en France / un mouvement populaire que l’on baptisera « l’insurrection de la bonté » / aujourd’hui / que reste-t-il de l’appel de l’abbé Pierre / le directeur général de la Fondation Abbé-Pierre / Patrick Doutreligne / répond aux questions des enfants / Dinys / Elie / Emmanuel / Léa / Mattis et Tito sont en sixième dans un collège parisien – C’était qui / l’abbé Pierre – Patrick Doutreligne – L’abbé Pierre / c’était un prêtre qui a fait de la résistance pendant la guerre et qui après la guerre a voulu faire le combat contre le mal-logement / et il s’est battu dans les années 50 pour qu’on aide ces gens-là / et un jour il a ramassé une femme morte qui avait été expulsée de son logement – Qu’est-ce qui l’a choqué quand il a vu la femme morte – P. D. – Effectivement c’était très choquant / et d’autant plus que dans sa main il y avait son papier comme quoi elle venait d’être expulsée le matin – Il a dit quoi dans la radio ce jour-là – P. D. – Il a poussé un coup de colère / mes amis / mes amis / au secours – L’abbé Pierre – Il faut que ce soir même / dans toutes les villes de France / des pancartes s’accrochent où l’on lise ces simples mots / « toi qui souffres / qui que tu sois / entre / dors / mange / reprends espoir / ici on t’aime » – P. D. – Et donc il a poussé ce coup de gueule qui a touché énormément de gens – Est-ce que c’est vrai que l’abbé Pierre au début il mettait l’argent dans
les baignoires – P. D. – Quand il a fait cet appel il ne savait même pas où est-ce qu’il allait ramasser l’argent et les meubles qu’il réclamait dans son appel et il a juste improvisé un hôtel qui était d’accord pour accueillir une dizaine de personnes / il a dit / ben allez à l’hôtel Rochester à Paris et vous déposez des affaires ou de l’argent / et donc comme c’était un hôtel / ben c’étaient les baignoires qui ont servi de réceptacles pour les billets qui sont venus en affluence incroyable / les gens ont eu une mobilisation / « une insurrection de la bonté » on a parlé à ce moment-là – Et depuis qu’est-ce qui a changé en France pour les pauvres – P. D. – Malheureusement il y en a qui sont quasiment dans la même situation / globalement la situation de la France s’est améliorée / juste après la guerre comme ça il y avait plus de la moitié des gens qui étaient très mal logés et qui manquaient de confort / pas de chauffage / pas de salle de bains / chaque année on disait / bon / l’année prochaine l’État fera l’effort sur la construction et la réalisation de logements / mais aujourd’hui on va faire autre chose / il a fallu cet appel de 54 / cet hiver et ce coup de gueule pour que ça y est / l’État se lance enfin / et aujourd’hui il reste un noyau dur de 6-7 % de gens qui sont très mal logés contre les 50 % de 1954 – Est-ce que c’est grâce à l’abbé Pierre qu’ils ont fait la loi qui protège les gens qui ne peuvent pas payer leur loyer – P. D. – Ce que l’abbé Pierre a introduit / c’est que au moins ces gens qui sont en grande difficulté puissent pas être expulsés l’hiver / il a fait une loi qui est toujours en vigueur aujourd’hui qui protège pendant toute la période hivernale / on peut pas expulser du 1er novembre au 15 mars et bientôt 30 mars – Est-ce que ça arrive encore qu’il y ait des SDF qui meurent dans le froid – P. D. – Bien sûr / malheureusement / chaque année c’est de l’ordre de quatre cents à six cents / ça existe encore malheureusement / ce qui est difficile depuis quelques années / c’est que l’État est en train de commencer à avoir un budget difficile / les collectivités locales aussi / heureusement des citoyens donnent à des fondations comme la Fondation Abbé-Pierre ou au Secours Catholique / parce que c’est devenu indispensable / comme pour les Restos du cœur pour l’alimentaire / c’est en même temps bien en termes de mobilisation citoyenne et en même temps pas très bien que ça repose trop sur la charité au lieu de reposer sur un devoir de la nation.
LEXIQUE
SDF : sigle pour sans domicile fixe.
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KIEMA MICHEL
Tant dans les périodes hiémales,vernales qu’estivales,il sied que les plus faibles puissent bénéficier de la solidarité dont ils ont besoin. Est-il chose plus normale que de voir la joie des chemineaux qu’on aide,celle de ceux,nombreux qui se livrent ainsi à cette oeuvre de charité? Ce qui messied profondément aux gens généreux,c’est de constater une sorte d’acceptation de la misère qu’on voit dans nos villes et nos rues. Que l’on puisse remarquer les ravages de la pauvreté ailleurs,peut se comprendre,si l’on estime qu’il s’agit de pays pauvres. Mais qu’il s’agisse de la France dont les dirigeants font preuve d’une ostentation incroyable pose une énorme problématique de redistribution des richesses produites dans le pays. Les ploutocrates ne se soucient guère de leurs concitoyens pour lesquels ils n’ont aucun égard. Quant aux gouvernants,ce qui les intéresse,c’est leur propre carrière et les honneurs qui s’ y rattachent. Ce n’est pas un phénomène nouveau,car il faut se souvenir de l’apôtre Pierre,le galiléen qui de son temps donnait déjà aux nécessiteux de quoi vivre. C’est ce qu’il a appris de Jésus lui-même. Les démocraties peinent à mettre un terme à la misère,puisque l’on est passé de l’équivalent Simple à l’équivalent général c’est-à-dire du troc à la monnaie. C’est une ressource dont la rareté est organisée par les banques et système financier. L’abbé Pierre restera comme une grande figure de la générosité en France,ce qui est très important.