Sms comme une bête !
Par Geneviève Briet
À la rentrée scolaire, des vidéos et des affiches publicitaires montraient « Max, étudiant de 16 ans », apparaissant à la télévision. Aussitôt, ses amis le voyant passer à la télé saisissaient leur téléphone portable pour l’annoncer à tout le monde. Et chacun de relayer l’info au moyen de cette carte prépayée garantissant un nombre de textos illimités. Comme une bête ? Max est un gorille et ses amis font partie de l’espèce des autruches ou des singes.
Si vous êtes actuellement parent d’un()e jeune adolescent(e), vous êtes peut-être confronté à cet épineux problème de société où l’on vous impose la possession et la connexion permanente de votre téléphone portable. Ma jeune fille a été saisie véritablement d’une frénésie de ses deux pouces, lors de la première semaine d’usage de son téléphone portable : 454 textos en une semaine…
À présent, la signification de « comme une bête » vous apparait plus clairement. En Belgique francophone, « bête » postposé au nom signifie « qui est hors d’entendement » : gagner un temps bête, comme une bête sont des expressions dont la vitalité est élevée et stable, tant en Wallonie qu’à Bruxelles.
Mais ce qui attire davantage l’attention des amateurs de faits de langue, c’est cet emploi de « sms », comme forme conjuguée à la deuxième personne de l’impératif présent. Voici quelques observations.
Le substantif SMS a donné naissance à un verbe, tout comme en anglais (to SMS ou to text). Louis-Jean Calvet a souligné dans ce blogue fin juin 2012 la fortune du suffixe –er pour la création de nouveaux verbes. Ce qui est frappant ici, c’est la graphie de ces termes : nous écrivons SMS comme nous écrivons DVD, alors que le cédé rivalise avec le CD. Mais comment écrire l’infinitif de ce nouveau verbe ? SMSser ? Smsser ? Smscer ? Essèmesser ? Un peu long pour dénommer ce qui se définit par sa brièveté… La consultation du Wiktionnaire relève les deux premières formes et atteste l’utilisation du néologisme verbal déjà en 2007 dans un site de la Toile française :
- Pour 60 $ par mois, je peux maintenant téléphoner et SMSser en illimité dans le monde entier. — (site california-internship.blogspot.com (30 juin 2011))
- Qu’il ne craigne pas de m’en parler, de m’écrire, de me SMSser ou de me télépathiser ! — (site entremotsetvous.over-blog.net (17 février 2007))
- Ce n’est pas vraiment mon truc de smsser. — (site maluetmoi.eklablog.fr (3 juillet 2011))
Enfin, si la transcription graphique atteste une évolution du code orthographique, ce néologisme français révèle tout de même une influence de la syllabation graphique sur une règle phonétique de base. En effet, comme le souligne le Wiktionnaire (http://fr.wiktionary.org/wiki/smsser), « La forme je smsse semble plus pratiquée que j’smsse. » A priori, la forme je smsse semble la plus conforme à notre code graphique des registres de langue. Elle enfreint cependant une règle absolue de prosodie : celle de l’élision du « e » dit muet devant un mot à initiale vocalique : ainsi prononçons-nous et écrivons-nous « j’envoie » et non « *je envoie ». Alors, ce « sms » précédant la désinence verbale jouerait-il le même rôle que le « h » dit aspiré français ?
Mine de rien, ce néologisme traduit davantage de bouleversements que la forme « biscuiter ensemble » apparue tout récemment sur les sucettes publicitaires francophones, dans le sens présumé de partager un bon moment. Vu l’intensité actuelle du recours à l’anglais par les annonceurs dits « créatifs » de Belgique, la forme texter utilisée au Québec n’a pas beaucoup d’avenir au Plat pays…