Premier jour de cours
Le réveil n’a pas encore sonné et vous êtes déjà debout. Aujourd’hui, c’est le grand jour. Vous allez rencontrer de nouveaux visages avec des yeux braqués sur vous, de nouvelles personnalités aussi, plus ou moins motivées, plus ou moins bienveillantes…
Vous êtes prêt(e). Vous avez pensé à votre matériel, vous avez les photocopies, les numéros des pages du manuel ou du cahier d’exercices, vous avez calé votre document audio ou vidéo, tout va bien, ça va bien se passer. Pas besoin de boire 10 cafés (pensez qu’il faudra vous retenir avant la pause), essayez d’avaler quelque chose (pour ne pas risquer le moindre bruit désagréable vers la fin de la matinée). Ça n’a l’air de rien comme ça mais c’est important.
Vous entrez dans la salle. Silence, observation. Votre public tente d’emblée de saisir quel type de prof vous allez être. Vous le savez bien sûr. Alors, après avoir lancé un bonjour qui se veut à la fois souriant et déterminé, vous vous dirigez vers le bureau, vous vous installez puis vous vous redressez et c’est parti !
Faire connaissance, c’est un début incontournable bien évidemment. Certains utilisent le jeu, d’autres l’échange direct de présentations. Peu importe en réalité, du moment que le contact passe et corresponde bien à votre personnalité d’enseignant(e). Du moment aussi que les personnes en face de vous comprennent que vous connaissez votre travail. Bien sûr, quand on débute, on y va un peu au flan (passez-moi l’expression). Vous avez probablement fait un stage ou deux précédemment, vous avez bien eu une formation, quelle qu’elle ait été. Non ? Dommage…
Remarquez, ce qui peut vous sauvez c’est de vous dire que mis à part le fait que vous vous mettiez vous-même la pression, la plupart du temps votre trac ne se voit pas. Et puis, très vite, votre stress se dissipe car devant vous, il y a des gens et c’est bien en communiquant avec vous et entre eux que votre groupe se construit. Vous n’êtes qu’une sorte de chef d’orchestre et chaque musique est différente, c’est bien, entre autres choses, ce qui fait tout l’intérêt de ce métier.
Vous avez à portée de main le déroulement de votre séance, votre partition. Oui, d’accord c’est bien, c’est rassurant. Cependant, si votre cours est cohérent, bien construit, si votre démarche est claire d’abord dans votre tête, alors vous n’en avez pas vraiment besoin car vous privilégiez la fluidité des échanges et vous avez bien raison. Toutefois, gardez à l’esprit vos objectifs au risque de vous faire embarquer vers des contrées dont vous ne reviendrez que difficilement. Certains étudiants sont particulièrement doués pour vous emmener dans ce type de voyage…
Vous proposez un premier document, vous posez des questions. Les réponses tardent à venir, vous répétez, vous commencez à avoir très chaud tout à coup. Là, vous avez plusieurs possibilités. La plus facile apparemment mais souvent la plus désastreuse, c’est de répéter indéfiniment et de plus en plus fermement d’abord, parce que vous exigez une réponse et surtout, parce que vous ne comprenez pas ce qui coince. La deuxième possibilité, c’est d’analyser calmement la situation. Ma question est trop difficile ? Je l’ai mal formulée ? Il leur manque des informations pour pouvoir me répondre ?
Bien sûr, cette mini-réflexion va vite, très vite… Néanmoins, elle doit se faire posément. Prenez votre temps. Quelques secondes de silence sont souvent préférables à trop de bruit et d’agitation et c’est là que tout le monde se sent mal à l’aise. L’ultime solution c’est de prendre vos affaires et de partir en courant mais je doute que cela soit judicieux et constructif pour la suite de votre carrière.
Un(e) prof n’a jamais peur du ridicule. Il/elle bouge, saute, danse, fait parfois des gestes bizarres, fait des grimaces… ça a l’avantage d’être souvent efficace, de faire rire les étudiants (par conséquent de détendre l’atmosphère) et de les encourager à vouloir vraiment vous faire plaisir en vous donnant la réponse, une réponse, même erronée…
Evidemment, il ne s’agit pas non plus de faire le clown, il s’agit de mettre tout en œuvre pour se comprendre. Se comprendre, tel est notre objectif, non ? Après, tous les moyens sont bons et ceux de l’enseignant(e) sont nombreux et variés. L’imagination et la créativité sont utiles et agréables tant pour le public que pour nous.
Le temps passe, vous êtes désormais sur la route. Les questions, les consignes, les explications… tout s’enchaîne. Oh bien sûr, il y a encore des zones d’ombres, des frustrations (« Mince, j’aurais dû formuler ça autrement »), des inquiétudes (« Comment conceptualiser le subjonctif et rester clair (e) ? »).
Mais il y a aussi tant de bonnes choses, les prémices d’une petite aventure qui se construit doucement, au jour le jour, qui se modifie aussi.
Les étudiants sont devenus des visages, des prénoms, des sourires, des personnalités et vous voulez sincèrement les aider dans la tâche à laquelle ils se sont attelé, apprendre cette langue que vous aimez et qui vous aime (la plupart du temps).
Demain est un autre jour et vous aurez tout le temps pour vous sentir en confiance.
Célyne Huet, Professeur-formateur à l’Alliance française de Paris Ile-de France
delles catherine
bonjour,
merci pour cet article. Je suis française résidente en Italie. L’an dernier on m’a demandé de devenir prof de français (fle) dans un centre de formation pour adultes. J’ai 50 ans, un bac de secrétariat médical en poche, quelques années d’expérience dans ce domaine. Mais en prof de français : 0
Etre française de langue maternelle et enseigner sont deux choses complétement différentes.
J’ai trouvé dans ce texte bien des peurs que j’ai ressenties. J’apprends « sur le tas » . Ma panique m’empêchait de réfléchir. J’avais un groupe de jeunes adultes italiens ou étrangers, certains connaissaient le français mais d’autre pas… Bref je pense reprendre en octobre ou novembre. Ils doivent apprendre le français qu’on utilise pour rédiger une correspondance commerciale, connaitre la géographie française, la vente, le commerce …