Offres d’emploi au féminin
Par Dalila Morsly
Les petites annonces qui occupent une place particulière dans l’espace journalistique sont généralement considérées comme des informations mineures que la majorité des lecteurs négligent. Pourtant elles peuvent constituer pour les sociolinguistes un témoin des pratiques et normes langagières en cours. On le montrera à partir des offres d’emploi qui paraissent dans la presse algérienne de langue française et à propos d’un problème précis : la féminisation des noms de métiers.
Cette question est depuis quelque cinquante ans une revendication récurrente des mouvements féministes américains, canadiens, suisses, belges et français … Dans ces différents pays des circulaires officielles incitent à féminiser les noms de métiers et définissent les règles linguistiques de féminisation. En contexte algérien, rien de tel : aucune intervention institutionnelle n’a été engagée pour pousser à utiliser des termes féminins pour désigner les métiers et en particulier les nouveaux métiers occupés par les femmes. On constate pourtant, dans la presse algérienne, une tendance à la féminisation, dans bon nombre d’articles mais aussi dans les offres d’emploi : la ministre, policière, greffière, femme policière, femme officier de police, femme gendarme, députée, femme députée, femme maire, la chef d’entreprise, femme juge, soldate, ingénieure, ingénieur femme … Les procédés de féminisation sont ceux adoptés par la presse française : suffixation, composition (femme + nom de métier), article la, accord (les nouvelles agents de police). Ceci permet d’avancer que ce sont les contacts étroits entre presse algérienne de langue française et presse française qui favorisent cette tendance à la féminisation et non la cohabitation avec la presse de langue arabe, langue qui théoriquement distingue obligatoirement entre les sexes (mu’alim « maître »/mu’alim-a « maîtresse »). La presse arabophone publie, en effet, peu d’offres d’emploi et bon nombre d’entre elles sont en français. Ce constat souligne que le monde du travail et en particulier les secteurs de l’économie, de la technologie etc. recourent davantage au français qu’à l’arabe comme le montrent, par ailleurs, les nombreuses offres qui exigent une parfaite connaissance du français.