Quatre mois sans une goutte de pluie. Résultat : une soixantaine de départements français font l’objet d’arrêtés de limitation d’usage de l’eau. C’est le cas notamment en Poitou-Charentes, l’une des régions les plus touchées. Dans cette région d’élevage, les pâtures sont jaunes, l’herbe est sèche et les bêtes n’ont d’ores et déjà plus rien à brouter : elles sont en train d’engloutir les réserves de l’hiver prochain. Gilles de Romilly s’est rendu à Montmorillon, à mi-chemin entre Poitiers et Limoges, dans la ferme de Mathieu Morin et Emmanuel Gaumer.

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TRANSCRIPTION

Gilles de Romilly – Montmorillon à 40 kilomètres de Poitiers / Emmanuel Gaumer et Mathieu Morin sont associés depuis trois ans et demi à la tête d’un cheptel de deux cent dix limousines / ces vaches marron clair qui finissent en entrecôtes dans les assiettes / déjà près de quatre mois de sécheresse / les vaches sont en pâture mais elles ne broutent pas de l’herbe verte / elles sont en train d’engloutir leurs fourrages de l’hiver prochain explique Mathieu Morin – M. M. – On est à plus de 50 % de rendement en moins et le problème / c’est que les pâturages étant grillés pour les animaux / le foin qu’on vient d’effectuer / on est en train de le donner en pâture aux animaux pour qu’ils aient de la nourriture – G. de R. – Cet hiver il n’y aura plus rien à donner aux bêtes / il faut donc acheter de la nourriture / maintenant / car les prix sont en train de monter en flèche et comme bon nombre de leurs collègues les deux jeunes éleveurs manquent de trésorerie / pas d’autre solution que de vendre des bêtes pour continuer à nourrir les autres / Mathieu Morin s’apprête à envoyer quarante vaches à l’abattoir – M. M. – La semaine dernière j’ai une vache qui est partie / par exemple le prix était de mille cent euros une vache / pour qu’on s’en sorte faudrait que ce soit au moins minimum mille cinq cent euros / entre mille cinq cent et mille huit cent euros l’animal pour qu’on puisse avoir un revenu décent et qu’on puisse vivre de notre production / en décapitalisant / en faisant partir ces animaux / on se retrouve avec un nombre d’animaux au niveau de la filière viande qui a largement augmenté / donc ce qui fait d’autant plus chuter le prix de la viande – G. de R. – Car à la sécheresse / crise conjoncturelle / s’ajoute une crise plus structurelle / il y a trop de viande sur le marché / les prix s’effondrent depuis plusieurs années / saturer le marché pour constituer un apport immédiat de trésorerie ne fera donc que précipiter la chute des prix – M. M. – Quand vous avez des charges au niveau semences / au niveau engrais / au niveau fioul / que tout augmente et que vous à l’autre bout vous ne pouvez absolument pas vendre vos produits à un prix raisonnable / eh ben à un moment donné / quand les charges dépassent les produits / la logique veut que c’est plus viable – G. de R. – Malgré les crises Emmanuel et Mathieu veulent encore y croire / ils comptent sur une fin de saison plus humide qui leur permettrait d’ensemencer et de faire une récolte de fourrage à l’automne pour nourrir leurs bêtes une partie de l’hiver.

LEXIQUE

Décapitaliser : réduire le capital d’une entreprise.

Filière viande : une filière est un parcours, un cursus, une chaîne d’activités qui permettent de passer d’une étape à une autre dans un ordre déterminé ; dans le domaine des biens destinés à l’alimentation, par exemple, la filière est centrée sur un produit et recouvre l’ensemble des activités allant de la production à la consommation ; la filière viande comporte ainsi plusieurs maillons : l’élevage et l’état du cheptel, l’abattage, les circuits de distribution, y compris l’importation et l’exportation, la consommation.

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