Raquel Mercado Monge

Raquel Mercado Monge – « Il est important d’incarner l’apprentissage et de s’adapter à chaque groupe d’enfants »

Posté le par le français dans le monde

Raquel Mercado Monge, 51 ans, a reçu la langue française en héritage. Elle est tombée dans la marmite de la francophonie quand elle était petite et n’en est jamais ressortie. Aujourd’hui directrice du département des langues dans une école privée de Mexico, elle assure avec passion son rôle de passeuse de flambeau, avec une ambition : que vive le français !

Raquel Mercado MongeJe parle français à mes deux enfants, Mariela et Gonzalo, depuis qu’ils sont bébés. Cette langue est une histoire de famille. Ma grand-mère maternelle était française, mais elle a quitté la France lorsqu’elle était toute petite. Ses parents ont fui le pays à cause de la guerre. Ils sont partis en laissant tout derrière eux, ont pris un bateau et sont arrivés au Mexique, où ils ont fait une demande d’asile. Ils ont appris l’espagnol et, très vite, ont cessé de parler français à leurs enfants. C’est pour cette raison que ma grand-mère ne se rappelait que quelques mots de sa langue maternelle, mais ça ne l’a pas empêchée de nous les inculquer avec beaucoup de tendresse. C’est ce qui m’a donné envie d’apprendre le français.

Enfant, j’étais une bonne élève, un peu espiègle. J’ai eu envie d’être enseignante très tôt, grâce à des professeurs formidables qui faisaient cours de manière amusante. J’avais par exemple un prof d’histoire qui arrivait en classe en costume d’époque, utilisait de vieilles cartes de navigateur… On s’amusait et on apprenait en même temps. C’est aujourd’hui encore une de mes grandes sources d’inspiration. Mes disciplines préférées étaient l’histoire, la géographie et l’anglais, qui était la langue étrangère enseignée dans mon école. Je me suis rapidement rendu compte que j’étais douée pour les langues. Plus tard, quand j’ai commencé à étudier la pédagogie, j’ai compris que j’adorais vraiment cette matière et ça a conforté mon projet ! Je n’aurais jamais imaginé que j’enseignerai une autre langue, c’est arrivé parce que le français faisait déjà partie de moi et de mes racines.

La langue de Molière, ma troisième langue

Une autre rencontre a été déterminante : celle de Camille. Je l’ai connue il y a 30 ans, alors que nous travaillions au centre culturel Epcot, à Disney World. Nous étions colocataires et très naturellement, comme elle était française, je lui ai raconté l’histoire de ma grand-mère. Camille s’est alors mis en tête de m’enseigner le français ! Elle m’a beaucoup parlé de Marseille, d’où elle était originaire, et de la France, bien sûr. Elle travaillait dans le pavillon français, dans la partie boulangerie. Camille m’a appris quelques recettes. Nous sommes devenues de très bonnes amies et sommes toujours en contact trois décennies plus tard. Elle a joué un grand rôle dans mon histoire avec le français.

J’ai eu envie d’être enseignante très tôt, grâce à des professeurs formidables qui faisaient cours de manière amusante… On s’amusait et on apprenait en même temps. C’est aujourd’hui encore une de mes grandes sources d’inspiration.

À partir de là, j’ai décidé de faire de la langue de Molière ma troisième langue. J’ai rejoint l’Institut français d’Amérique latine (IFAL) de Mexico, où j’ai étudié le français en profondeur, ainsi que la traduction littéraire et la didactique du FLE. J’avais 25 ans lorsque j’ai commencé à donner des cours dans une petite école maternelle de Mexico. C’est très particulier d’enseigner une langue étrangère à des tout-petits qui ne parlent même pas encore bien espagnol. J’ai un souvenir très marquant de cette période-là : nous avions organisé un petit concert pour la fête des mères, j’ai mis une chanson en français que nous avions étudiée et les enfants ont magnifiquement bien chanté ! Ils étaient si petits, commençaient à peine à parler dans leur langue maternelle et déjà, ils arrivaient à chanter en français. Les parents étaient ébahis et moi, très émue.

Transmettre une histoire et des traditions

enseignement du français au MexiqueQuand je travaillais au Lycée Français de Monterrey, j’ai conçu et développé une méthode d’enseignement de la langue dès le plus jeune âge intitulée La France pour enfants. Nous travaillons sur des modules thématiques de deux semaines, qui permettent aux élèves de maternelle de découvrir un champ lexical précis grâce à des cartes-images, ainsi que des chansons et des jeux. Les enfants vont mobiliser le vocabulaire et faire des associations entre les mots et les images, en comprendre le sens et apprendre. Au primaire, on commence à faire des petites phrases simples et au collège, nous commençons à étudier les structures grammaticales. C’est une méthode progressive que j’utilise depuis 2014 et qui est continuellement mise à jour. Pour moi, être un bon professeur va au-delà de l’élaboration d’un plan pédagogique, de la systématisation, de l’exemplarisation et de la conceptualisation d’un sujet. Il est important d’incarner l’apprentissage et de s’adapter à chaque groupe d’enfants pour que l’apprentissage se fasse le plus naturellement possible.

Pour moi, être un bon professeur va au-delà de l’élaboration d’un plan pédagogique, de la systématisation, de l’exemplarisation et de la conceptualisation d’un sujet. Il est important d’incarner l’apprentissage et de s’adapter à chaque groupe d’enfants pour que l’apprentissage se fasse le plus naturellement possible.

Je garde toujours à l’esprit que lorsqu’on se lance dans l’apprentissage d’une nouvelle langue, on apprend à l’aimer aussi parce qu’on comprend son histoire et ses traditions. Une des choses qui me passionne le plus et qui mêle mon amour pour l’histoire à celui de la France et du français, c’est le rôle du pays pendant la Seconde Guerre mondiale, et tout particu-lièrement la Résistance française. Je continue à lire et à me documenter sur cette période que j’adore. La place de la France dans l’histoire de l’art, la richesse des peintres, écrivains ou sculpteurs français, est un autre de mes objets de fascination ! Il me semble important de transmettre cela aux élèves, et pas uniquement la langue seule. Je prépare d’ailleurs en ce moment un événement francophone à l’école, à propos des oeuvres d’art qui se trouvent dans les musées français et je suis terriblement enthousiaste à l’idée de partager ces merveilleuses connaissances avec mes petits élèves ! Je veux qu’ils sentent qu’apprendre une nouvelle langue est une porte qui s’ouvre vers d’autres opportunités.

En tant que directrice du département de langue, je fais parfois passer des entretiens pour des postes d’enseignants de français : au-delà des compétences, avoir l’amour de la langue française est absolument indispensable. Mon équipe de super profs est très fière de servir le français, et la tâche la plus importante que nous avons à accomplir est de la diffuser et de la promouvoir. En éduquant, bien sûr, mais aussi en favorisant une prise de conscience sur la richesse du monde de la francophonie ! C’est une mission qui me passionne et dont je suis fière.

Aucun commentaire

Laisser un commentaire