Paradis en cuisine avec Juan Arbelaez
Difficile de résister à certains sourires. Celui du chef colombien Juan Arbelaez est à l’image de sa réussite : éclatant et communicatif. Arrivé en France à l’âge de 18 ans avec des rêves de cuisine en poche, il est aujourd’hui à la tête d’une dizaine de restaurants pour autant d’atmosphères et d’aventures gastronomiques différentes avec toujours ce même esprit de gourmandise festive. Portrait d’un amateur de défis culinaires et sportifs qui n’est pas près de manquer d’énergie.
L’enfance d’un chef
« Le gène addictif de la cuisine, c’est mon grand-père qui me l’a transmis » raconte Juan Arbelaez au micro de RTL. C’était un empirique qui a tout appris tout seul, un passionné des grands repas, de la grande cuisine. Il avait ce super pouvoir de réunir les gens et de les mettre d’accord autour d’une table. » Né en 1988 à Bogota, le jeune Juan grandit dans des effluves de piment et de citron au sein d’une famille où chaque repas concocté par le grand-père et sa mère, cantinière dans une école, est l’occasion de discuter du menu du suivant. Il est l’aîné d’une fratrie de trois garçons, fréquente le lycée français en rêvant de voyages et de cuisine. Peut-être s’en doute-t-il déjà, mais l’un n’ira jamais sans l’autre pour le futur chef qui décide, à seulement 18 ans, de faire ses valises pour Paris, « un endroit absolument mythique pour un cuisinier » explique-t-il. Et pour celui qui veut apprendre les bases de la cuisine française, le mythe a un nom : l’école du Cordon Bleu, dans le XVème arrondissement. Une école qu’il n’a absolument pas les moyens de s’offrir mais peu importe. « J’ai fait le pied de grue pendant une semaine devant la porte, raconte-t-il en 2019. Quand j’ai vu le directeur, je lui ai dit que j’étais prêt à faire n’importe quelle tâche pour intégrer l’école. Et ça a marché ».
Entre trois boulots (un pour payer le loyer, un pour payer les études et un pour payer les sorties), Juan s’occupe chaque midi de la mise en place pour le déjeuner des chefs et emmagasine, jour après jour et à toute allure, ce savoir-faire « absolument incroyable » de la gastronomie française. « Une vie ne suffit pas pour réussir à goûter tous les fromages, toutes les farines, tous les pains… ». Qu’à cela ne tienne et puisqu’il faut mener plusieurs vies, autant adopter un rythme effréné pour n’en perdre aucune miette.
Profitant du désistement d’un élève le jour de l’examen, Juan se propose de le remplacer, termine premier et va faire ses armes auprès des (multi)-étoilés. Intégrant les équipes de cuisine du chef Pierre Gagnaire, il y apprend à repousser les limites, les siennes comme celles des associations de goûts – de la langoustine dans un dessert, après tout, pourquoi pas ? Après la rue de Balzac, direction Avenue Georges V à l’étoilé Cinq, alors aux mains expertes d’Eric Briffard puis rue du Faubourg Saint-Honoré au Bristol, avec Eric Fréchon. La course est lancée et pour partir en tête, Juan décide de participer à l’édition 2012 de Top Chef, « un tremplin magique » constate-t-il dans une interview pour TV5MONDE. « J’ai économisé 10 ans de travail. Le plus important à Top Chef, ce n’est pas comment tu le vis pendant, c’est comment tu le vis après, une fois que c’est diffusé. Tout peut aller plus vite. Il faut se servir de ce boom médiatique pour faire les bonnes connexions et se diriger vers le bon chemin ».
L’amour des défis
Ce chemin débute par la rencontre avec Enrique Solano, un entrepreneur franco-colombien installé à Paris qui décide de miser sur Juan et le soutien dans un projet à la hauteur de ses ambitions et de son énergie : l’ouverture d’un restaurant à seulement 25 ans, à Boulogne-Billancourt. Le nom, Plantxa, annonce la couleur colombienne de ce « bistro gastro » qui fait le pari d’une carte exigeante dans un cadre à la déco vivement colorée et conviviale. L’objectif : retrouver l’atmosphère de ses repas d’enfance, où le plaisir de partager un repas fait oublier tout le reste. Le succès est au rendez-vous et à partir de là, il faut s’accrocher pour suivre Juan qui passe d’un défi à l’autre comme si de rien n’était. Jugez plutôt : en 2016, Juan ouvre à la fois une seconde adresse dans les Hauts-de-Seine, Levain, un concept autour du pain et du vin et est appelé par l’hôtel Marignan des Champs-Elysées pour créer Nubé. Un an plus tard, c’est le début de l’aventure YAYA avec avec les frères Grégory et Pierre-Julien Chantzios, les fondateurs de Kalios, l’huile d’olive préférée des grands chefs. Au cours d’un voyage en Grèce – car oui, Juan trouve encore le temps de voyager ! -, ils imaginent ensemble des restaurants qui seraient autant de destinations vers des régions du pays natal des deux frères. À chaque adresse son escale et voilà désormais qu’en un trajet de métro (ou de train), on peut déguster le Péloponnèse, les Cyclades, la Crète ou encore le marché athénien de Monastiraki, que l’on habite à Paris ou à Lille puisqu’un cinquième YAYA y a ouvert ses portes rue de Gand.
Ces « lieux de vie festifs aux couleurs et aux saveurs d’une taverne grecque » selon les mots de Juan Arbelaez rencontrent vite leur public et permettent au chef de rêver toujours plus grand et plus festif avec Bazurto, un restaurant festif colombien qui ouvre ses portes en 2021 dans le 6ème arrondissement de Paris et dans les montagnes à Tignes, bien loin de l’agitation de la capitale. Et c’est sans oublier Babille, une brasserie française festive elle-aussi et les caves à manger Arbela 10 et 11 aux saveurs basques, son pays de cœur. « Chaque restaurant a été une étape de ma vie raconte-t-il sur TV5MONDE. Aujourd’hui, c’est comme une grande famille de 250 personnes. »
Si le défi est largement relevé côté restaurant festif, Juan Arbelaez n’est pas en reste côté médiatique puisqu’on a pu notamment le voir sur chez Quotidien comme chroniqueur, dans l’émission Cuisine impossible avec le chef français Julien Duboué ou dans Objectif Top Chef et qu’il est aussi présent dans les rayons des librairies avec trois ouvrages publiés. Le plus récent, Recuerdame paru en 2023, parcourt en 60 recettes le pays de son enfance et ses saveurs comme le chocoramo, un petit gâteau éponge moelleux, emballé dans du papier orange ou le Tinto, une boisson très consommée en Colombie : « un baluchon de souvenirs qui m’accompagne depuis mes premiers instants, des images de ma mémoire culinaire et d’autres aventures gastronomiques » dit-il.
En juillet 2024, Juan Arbelaez a réalisé un rêve qu’il n’osait même pas avoir : devenir porteur de la flamme olympique. Pour cet amateur de surf et de course qui compte plusieurs défis sportifs à son actif, comme le Marathon des sables HDMS, le cadeau offert par la France était grandiose. « Aujourd’hui j’ai la chair de poule de savoir que finalement ce petit garçon, qui a été adopté par ce pays magique, où même les rêves les plus impossibles peuvent devenir réalité, va faire partie du relais de la flamme olympique », réagit-il sur son compte Instagram. Un cadeau bien mérité pour ce chef aussi à l’aise baskets aux pieds sur des dunes que derrière le piano d’une cuisine et qui donne à la gastronomie française des heures de gloires délicieusement festives.
Juan Arbelaez en quelques dates
Janvier 1988, naissance à Bogota
2009 sort major de l’école du Cordon Bleu à Paris
2012 participe à la troisième édition de l’émission Top Chef
2013 ouvre son premier restaurant Plantxa à Boulogne-Billancourt
2017 début du projet YAYA, avec les frères Chantzios, qui donnera naissance à 5 restaurants pour 5 escales en Grèce
2021 ouverture de Bazurto, destination le marché de Carthagène en Colombie
2023 parution de Recuerdame : carnet de cuisine de Colombie qui remporte le prix de l’Académie Nationale de cuisine
Juillet 2024 porteur de la flamme olympique sur un tronçon près de Bayonne, au Pays Basque