« Être à la fois française et chinoise est un atout indéniable pour mieux accompagner mes élèves »

Posté le par le français dans le monde

Depuis toujours, Ly Wah Yan a la moitié du coeur en France, l’autre à Hong Kong. Née et élevée en plein Paris, elle a fait ses valises pour partir en Asie il y a 24 ans. Enseignante à l’Alliance Française de Hong Kong, elle s’est spécialisée pour un public d’apprenants toujours plus nombreux : les jeunes enfants.

Je suis née à Paris de parents chinois : nous vivions dans le 12e arrondissement, fréquentions la communauté du quartier asiatique et mes parents ne parlaient que le cantonais. Pendant les premières années de ma vie, je n’ai donc pas été en contact avec la langue française. Lorsque je suis entrée en maternelle, ça a été horrible : j’étais complètement perdue, car je ne parlais pas un mot de français. J’étais toujours seule dans mon coin, à ne pas comprendre ce qu’on me disait, et j’ai dû me débrouiller par moi-même car aucun enseignant n’a fait preuve de bienveillance à mon égard. Aujourd’hui, je suis moi-même professeure, spécialisée depuis 5 ans dans le FLE précoce : accompagner les tout-petits est mon moteur. Une maîtrise de langues étrangères appliquées en poche, je suis arrivée en 2000 à Hong-Kong, fan de séries B et amoureuse de l’acteur Tony Leung. Je ne suis jamais repartie. Je dirais que je suis désormais mi-parisienne, mi-hongkongaise !

J’ai travaillé dans une société de trading pendant presque 15 ans et c’est en 2017 que ma deuxième vie professionnelle a commencé. Mon fils aîné était scolarisé dans une école anglo-chinoise et en complément, je l’avais inscrit au CNED, en français donc. Afin de l’accompagner au mieux, j’ai décidé de passer un DUFLE à l’université de Grenoble. Cela m’a tellement plu que j’ai contacté l’Alliance Française de Hong Kong pour faire un stage, qui s’est en fait transformé en emploi, à la suite de quoi j’ai passé un diplôme de master de didactique du FLE.

La popularité croissante des cours pour enfants

Le déclic s’est produit avec une classe d’adolescentes : elles m’ont dit vouloir passer le DELF A1, mais n’étaient pas certaines d’en être capables. J’ai pris beaucoup de mon temps pour les préparer à cet examen, qu’elles ont
eu avec brio. Cette réussite a donné lieu à une immense satisfaction, mais pas uniquement personnelle. Les mener vers leur objectif, les accompagner, cela a été une révélation pour moi. Je me suis rendue compte
que j’étais à ma place et que je voulais en faire mon métier. Comme enseignante, je me sens utile et je trouve que mon travail a du sens.

Il y a beaucoup de personnes qui apprennent le français à Hong Kong, c’est une langue assez populaire. Pour certains, elle évoque le romantisme, Paris, les voyages, le shopping… En tant que professeure de FLE ici, le fait d’être moitié chinoise et moitié française est un atout : durant mes cours, je comprends plus facilement certaines difficultés de prononciation, certaines incompréhensions dans la conjugaison, qui ne fonctionne pas du tout de la même manière en français qu’en cantonais. Les points de blocage sont évidents pour moi et cela facilite ma manière d’accompagner les élèves. Certains grands débutants, qui parfois ne maîtrisent pas non plus l’anglais, sont aussi rassurés quand je parle en chinois. Avec les jeunes enfants, j’utilise le cantonais en dehors de la phase pédagogique, pour les mettre en confiance, leur redonner des repères et leur faciliter les moments de vie pratique, comme aller aux toilettes.

Si je fais encore un peu de cours adultes, maintenant je me concentre surtout sur l’enseignement du FLE précoce, avec des enfants de 3 à 5 ans en classe de maternelle. Ces cours se sont développés depuis quelques années et il y a une vraie demande à Hong Kong, à l’image de Singapour. Pour les parents hongkongais qui inscrivent leurs jeunes enfants aux cours de français, l’idée est de leur fournir un bagage suffisant pour partir un jour étudier dans un pays francophone, comme le Canada, la Suisse, la Belgique, la France, ou même plus largement en Europe. Les familles hongkongaises sont donc assez friandes de ces cours.

Répéter pour mieux mémoriser

Au départ, c’est un peu déroutant d’accueillir ces tout-petits, qui viennent apprendre le français alors qu’ils ne maîtrisent pas encore le chinois ou l’anglais. Mais en fait, ils comprennent et progressent très vite, bien plus rapidement que des adultes. En classe, on part toujours d’un thème, qui change à chaque trimestre : la nourriture, les vêtements, les animaux… On décline et explore ce thème dans la bonne humeur, avec des comptines, des
activités manuelles et créatives, de la lecture, des jeux ou des activités de motricité. On danse beaucoup, on chante. Lorsqu’ils s’amusent, les enfants apprennent tellement vite et intègrent naturellement le vocabulaire et les structures grammaticales pourtant compliquées de la langue française. La tendance naturelle des petits à la répétition favorise également la mémorisation : lorsqu’on apprend une chanson, par exemple, ils l’écoutent et la chantent en boucle. J’ai aussi des rituels en classe, avec des phrases magiques comme « Je voudrais boire de l’eau, s’il te plaît Miss Ly Wah » qu’ils entendent, répètent et savent très rapidement dire. Ce sont de vraies éponges. Les jeunes enfants ont également une très bonne prononciation.

Ce que j’aime beaucoup avec les tout-petits, c’est qu’ils nous enseignent autant qu’on leur enseigne. Et c’est un public qu’on arrive à bien fidéliser, car ils continuent avec nous, année après année : on peut les accompagner
sur du long terme, les voir grandir, je trouve cela très beau. C’est ce que je recherchais. Je m’amuse aussi beaucoup ! Pour moi, si un prof n’a pas ri pendant son cours, c’est qu’il est passé à côté. Ne pas se prendre au sérieux, faire des plaisanteries, prendre du plaisir, c’est essentiel pour l’enseignant comme pour ses élèves. »


L’AFLE, l’association français langue étrangère à Hong Kong et Macao
Depuis 5 ans, Ly Wah Yan est également secrétaire de l’AFLE dont la mission est de promouvoir l’enseignement et l’apprentissage du français à Hong Kong et Macao. Membre de la FIPF, cette association de professeurs de
français compte une centaine de membres, issus des différents milieux scolaires, universitaires, associatifs ou encore de centres privés. Durant toute l’année, avec le soutien du consulat général de France et, régulièrement avec l’Alliance française, Ly Wah organise des ateliers de formations, des rencontres, des compétitions entre les écoles, une grande dictée ou encore une récitation de poésie et d’éloquence en français. « Les acteurs du FLE se montrent très motivés et sont ravis de prendre part aux diverses actions : cela mobilise beaucoup de monde et permet de valoriser le français dans un esprit convivial. » www.aflehk.org

Aucun commentaire

Laisser un commentaire